mardi 23 mars 2010

Parcours Fructueux: Chapitre 8

Chapitre 8: Amour ou Amitié

Ça vous est déjà arrivé de comparer votre vie avec une histoire épique?

Par exemple, lorsque vous êtes une fille haut placée dans la société et que vous tombez amoureuse d'un misérable jardinier. Aussi beau que celui de Gabrielle Solis évidemment. Dans ce cas là, vous pouvez comparer votre histoire à celle du film Titanic, sans l'iceberg, le naufrage et les morts bien sûr. Ou lorsque vous êtes à la tête d'une immense fortune, habituée à vous faire servir et que soudainement, en un claquement de doigts, vous vous retrouveriez sans un sou, obligée de vous salir les mains comme jamais pour remonter la pente. A ce moment là, vous pouvez dire que votre vie est semblable à celle de Scarlett O'hara dans Autant en emporte le vent. Ou imaginons que vous êtes amoureuse du fils des pires ennemis de vos parents. Je crois que je n'ai pas besoin d'expliquer à quelle histoire je fais référence.

Tout ça pour dire que je n'avais jamais fait ce genre de rapprochement, jusqu'à aujourd'hui. J'ai toujours considéré ma vie comme une presque vie, si je puis dire. Une vie inexistante parmi tant d'autres. Banale et ennuyeuse. Ce sont d'ailleurs les deux adjectifs qui me caractérisent le mieux en mon sens. Seulement aujourd'hui, pour la première fois depuis vingt trois ans, j'ai le sentiment que ma vie a prise une autre tournure, beaucoup moins banale et dénuée d'intérêt. Je pouvais enfin comparer ma vie avec une de ces histoires tragiques où l'amour est impossible à cause des conditions, des différences et des secrets qu'il valait mieux laisser enfouis profondément. Ces célèbres histoires qui finissent toujours mal à cause d'un élément désastreux.

Dans Titanic par exemple, où l'évènement tragique repose dans un iceberg et dans la connerie du capitaine qui voulait impressionner la galerie en mettant à plein turbo pour arriver à bon port un jour plus tôt. Dans Autant en emporte le vent, il s'agit de l'aveuglement et de l'entêtement de la fille à vouloir conquérir un autre qui ne l'aime pas qui l'empêche de vivre heureuse avec l'homme de sa vie. Et enfin pour Roméo et Juliette, l'élément déclencheur de cette fin horrible, vient du fait que le moine n'a pas été fichu de remettre un mot à Roméo et que ce dernier n'a pas réfléchi et a plongé la tête baissée vers la mort. Dans ma situation, il s'agit à la fois d'un iceberg - le fait qu'il soit un vampire - d'un entêtement de ma part - à vouloir le tenir écarté - et d'un acte irréfléchi - l'avoir embrassé.

Si l'histoire de Jack et Rose, Scarlett et Rhett ainsi que celle de Roméo et Juliette s'est mal finie avec l'un de ces éléments tragiques, comment la mienne avec Edward pourrait-elle bien se terminer en cautionnant les trois problèmes à la fois?

Il fallait que je me rende à l'évidence, il n'y a aucune issue possible. Aucun moyen pour que tout cela ne se termine pas avec un visage baigné de larmes et un torrent de désespoir et de souffrance.

J'arrivai chez moi avec cette fatalité en tête, imaginant déjà le nombre de pots glacés qui allaient être engloutis dans les prochains jours. Rosalie qui me vit dans l'entrebâillement de la porte s'empressa de cacher un papier qu'elle avait dans les mains en le serrant contre elle.

- "Te fatigue pas. Je sais que tu détiens la déposition d'Emmett Cullen." Déclarais-je d'une vois mal accordée, à cause des sanglots que j'avais versé avant de venir. Elle me regarda ébahie et interrogative.

- "Comment est-ce que…"

- "Tu as oublié que Charlie n'a jamais su tenir sa langue." La coupais-je.

Elle soupira d'agacement et détourna la tête avec le regard non invitant. Apparemment, ce n'était pas aujourd'hui qu'elle comptait faire la paix avec moi. Tant mieux, car je n'en avais pas la moindre envie non plus. J'allai dans la cuisine pour me faire un verre d'eau mais lorsque j'ouvrai le frigo, c'est sur une bouteille de vodka que je tombais. J'hésitai quelques secondes car je n'avais jamais bu ce genre de chose, enfin très peu de fois. Puis je décidai de me laisser aller au point où j'en étais. Je sortis la vodka du frigo, pris un verre de vodka appartenant un Rosalie, remplis le verre jusqu'au bord et le bus d'une traite. Je guettais le moment où je me mettrai à tousser comme une grippée mais étonnamment, ce moment ne vint jamais. Je décidai alors d'en prendre un deuxième que j'avalai aussi rapidement que le premier. Lorsque je me retournai, elle était debout en face de moi, la tête droite et me fixait de façon incompréhensible.

- "Quoi?" Demandais-je agressive. Elle ne parut pas hésiter devant mon incommodité.

- "Depuis quand l'alcool est-elle devenue ta nouvelle meilleure amie?"

- "Depuis que ma véritable meilleure amie m'a laissé tomber." Répliquais-je. Je n'avais pas prévu de sortir une vacherie de ce genre. Il n'y a que Bella Swan pour réagir à l'alcool aussi rapidement. Rosalie parut vexée et triste.

- "Je ne t'ai pas laissé tomber."

- "Tu te fiches de moi?" M'exclamais-je. "Tu m'as laissé tomber depuis le jour où tu t'es mise contre ma décision de lui parler de ma vie."

- "C'est parce que je n'adhère absolument pas. Tu t'ouvres à la mauvaise personne."

- "Ferme-là, je ne veux pas entendre ça." Ordonnais-je.

- "C'est parce tu sais que j'ai raison."

- "Non, c'est parce que tu as entièrement tort." Contrais-je. "C'est quelqu'un de formidable mais tu es trop butée pour revoir tes positions et admettre que pour une fois, ce soit moi qui aie raison."

- "Mais enfin qu'est-ce qu'il a bien pu te faire pour te retourner le cerveau à ce point?" Demanda-t-elle incrédule.

- "Tu tiens vraiment à le savoir?" Demandais-je plus menaçante que je ne m'en croyais capable. Je m'approchai d'elle lentement et lui murmurai acerbe. "Il m'a embrassé." Elle ouvrit la bouche de surprise. Je ne lui laissais pas le temps de réagir. "Il m'a embrassé et c'était le meilleur baiser de toute ma vie. Tu avais raison Rosalie. Je suis bel et bien amoureuse de lui. Et tu avais raison quand tu as dit que je souffrirais. Tu as toujours eu raison. Mais là où tu te trompes, c'est quand tu dis qu'il est mauvais pour moi." De nouveaux sanglots étaient sur le point d'arriver. "C'est moi qui suis mauvaise pour lui." Elle me regarda avec pitié puis répliqua sur un ton détestable.

- "Tu es complètement folle." Je la regardai, les yeux embués. Je ne voulais plus lui répondre, ni même la regarder. J'entrepris de me diriger vers ma chambre, lieu où je passais le plus clair de mon temps depuis deux jours.

- "Vas-y." Ordonna-t-elle calmement. "Va dans ta chambre, fuis les problèmes encore une fois. C'est-ce que tu sais faire de mieux, fuir." Je me retournai vers elle, les larmes coulantes.

- "Et que veux-tu que je te dise? Que je m'excuse? Que je te dise que j'ai fait une erreur en me rapprochant de lui? Apparemment c'est-ce que tu veux, n'est-ce pas?"

- "Tu sais bien que je ne suis pas comme ça."

- "Non!" Criais-je. "Je n'en sais rien! Je ne te connais plus, je ne sais plus qui est Rosalie Hale. Parce que celle que j'ai connue n'aurait jamais réagi comme ça."

- "Qu'est-ce que tu veux au juste? Que je te baratine en te disant que j'approuve totalement ta nouvelle lubie de te rapprocher de ce type? Désolée si je suis honnête avec toi. Jamais je ne te dirai quelque chose que je ne pense pas."

- "Alors on a un vrai problème, toi et moi." Déclarais-je, fataliste.

Elle n'ajouta rien, se contentant de me scruter, suppliante. Il n'y avait rien à ajouter. Nous savions toutes les deux ce que signifiait cette phrase. Mon souhait le plus cher en cet instant fatidique, aurait été qu'elle se manifeste et proteste ce que je venais de dire en disant qu'il y aurait une solution. Que tout s'arrangerait petit à petit. Mais elle ne réfuta pas. Elle resta silencieuse et cela ne fit que confirmer mes dires. Nous avions un sérieux problème. Notre amitié avait un problème et aucune solution ne s'offrait à nous. Aucune porte de secours. Et tandis que nous nous affrontions du regard, aussi triste et désemparée l'une que l'autre, j'observais avec désespoir le mur de notre amitié en train de s'effondrer.


D'habitude, lorsqu'on rêve d'un vampire vous suçant le sang jusqu'à la dernière goutte, c'est qu'on est en train de faire un cauchemar. Pour ma part, je crois qu'il s'agissait plus d'un rêve érotique qu'autre chose. C'est dégoulinant de sueur et respirant bruyamment que je me levai pour prendre mon petit déjeuner. Rosalie qui était déjà debout me regardait piteusement. Aucun doute qu'elle avait compris ce à quoi ma nuit avait été consacrée et cela me confirma que mon rêve n'était pas du tout catholique. A cet instant je commençais à me demander si ne perdais pas la boule pour rêver de mourir de cette façon et trouver cet acte sensuel. Ma colocataire me lança un dernier regard mauvais avant de quitter notre appartement. Aucune parole ne fut échangée.

J'arrivai au travail avec une vingtaine de minutes à l'avance. Avec la façon dont je me suis comportée envers le blondinet, j'allais devoir assurer si je ne voulais pas me retrouver au chômage. De toute façon, il est absolument hors de question que je m'excuse, ni que je regrette le seul moment de dignité que j'ai eue dans ma vie. Quitte à perdre mon travail. Au pire, je pourrai toujours demander à Esmée de travailler dans sa boutique le temps que je trouve un autre pigeon qui acceptera de me prendre. C'est donc avec la tête haute et avec une assurance que je n'aie pas l'habitude d'avoir, que je me pointai devant Mrs. Newton. Celle-ci leva la tête vers moi et me lança un grand sourire.

- "Bonjour Bella. Comment vas-tu?"

J'ouvris grand la bouche de stupéfaction, tellement j'étais sans voix. A en déduire sa bonne humeur, Mike n'avait pas dû en parler à ses parents. Remarquez, se faire lobotomiser par une fille n'est pas quelque chose dont on pourrait se vanter.

- "Oh, euh oui… Bonjour." Balbutiais-je. Je venais de perdre toute l'assurance que j'avais acquise. Bravo Bella!

La matinée se déroula comme à son accoutumée, longue et barbante. Pourquoi ouvrir si tôt quand il n'y a jamais de client?

J'étais à ma pause déjeuner, en train de finir mon sandwich quand je vis qui poussa la porte de la boutique. A cet instant mon cœur se serra. La jeune brune s'avança vers moi sur une démarche dansante. Contrairement à d'habitude, elle n'avait pas son éternel sourire mais affichait une moue aigrie.

- "Salut Alice." Tentais-je, bien que je savais qu'elle n'allait pas tourner autour du pot.

- "Bella. Comment vas-tu?"

- "Autant que faire ce peu." Répondis-je. "Qu'est-ce qui t'amène?" Demandais-je, sachant pertinemment la réponse. Elle m'offrit enfin son sourire habituel.

- "Je viens pour avoir des explications."

- "Alors quoi? Ton frère ne peut pas se déplacer tout seul, il t'envoie à sa place?" Me braquais-je, soudainement vexée qu'il refuse de m'affronter.

- "Il ignore que je suis ici." Répondit-elle simplement. "Je ne lui en ai pas parlé."

- "Tu n'as pas besoin de lui dire pour qu'il le sache."

- "Tu oublies que c'est moi qui vois l'avenir, pas lui. Il ne fait que lire dans les pensées. Et encore, il ne voit que ce qu'on accepte de lui montrer." Dit-elle avec un sourire espiègle.

- "T'es en train de me dire que tu peux lui cacher tes pensées?" J'étais éberluée. "C'est impossible, des pensées ça ne se contrôle pas."

- "Vois-tu," Commença-t-elle tout bas. "Nous autres vampires, avons en plus des nombreuses caractéristiques dont tu es déjà au courant, un cerveau plus développé que le votre."

- "Ben voyons! Pourquoi ne suis-je pas étonnée?" Elle rigola.

- "En réalité, nous ne pouvons pas contrôler nos pensées, tu as raison sur ce point. Mais nous pouvons penser à plusieurs choses à la fois et nous concentrer que sur une seule. Tiens, par exemple, pour ne pas qu'Edward rentre dans ma tête, il a fallu que je pense à Jasper en train de me faire…"

- "Ok ça va, j'ai compris." La coupais-je avant qu'elle n'ait eu le temps de me dire des choses que je ne voulais certainement pas entendre. "Qu'est-ce que tu veux savoir?"

- "Pourquoi tu t'es enfuie comme une voleuse?" Je soupirai.

- "Je suis comme ça. Je m'enfuie face à un problème."

- "Bella, tu étais en train de l'embrasser à pleine bouche. Excuse-moi mais comme problème, j'ai vu pire." C'est moi ou la situation devenait vraiment embarrassante? Je rougis ardemment.

- "Et les deux autres qui sont arrivés? Ça compte pour du beurre?"

- "Je ne les ai pas vu. Je suis désolée. Je les aurais empêché de venir si j'avais su."

- "Je croyais que tu voyais l'avenir?"

- "Seulement selon les décisions que les gens prennent."

- "Mais s'ils n'avaient pas prévu de venir, comment se fait-il qu'ils soient venus?" Tout ça n'avait aucun sens.

- "là-dessus aussi, nous sommes très fort." Sourit-elle.

- "A trafiquer vos décisions?" Tentais-je incertaine.

- "Pas vraiment. C'est plutôt dur à expliquer. Mais tu ne réponds pas à ma question. Pourquoi tu es partie sans la moindre explication? Et je veux une vraie réponse."

- "Je n'en sais rien. J'avais peur."

- "Peur de quoi? D'être face à trois vampires?"

- "Non, pas du tout."

- "C'est-ce que lui il pense en tout cas. Il croit que tu regrettes et que tu as peur de lui." Me confia-t-elle.

- "C'est complètement absurde. Jamais je n'aurai peur de lui."

- "Alors de quoi as-tu peur dans ce cas?"

Je n'osais pas répondre. Je ne le savais même pas moi-même. En repensant à mon comportement de la veille, les larmes commençaient à monter. J'avais vraiment agi comme la pire des imbéciles. Comment faisais-je pour être si émotive? Lorsque je remontai mon regard vers Alice, je vis celle-ci me regarder pensive. Puis elle s'exclama.

- "Mrs. Newton?" L'interpellée tourna la tête.

- "Un problème?"

- "En fait, votre employée Bella n'a pas l'air de se sentir bien." Dit-elle avec un air vraiment inquiet. Mais à quoi jouait elle? Mrs. Newton se mit à me regarder attentivement.

- "C'est vrai que tu n'as pas l'air dans ton assiette."

- "Mais non, je vais très bien." Affirmais-je.

- "Je pense que vous devriez lui donner son après-midi afin qu'elle puisse rentrer se reposer." Fit-elle avec une moue innocente, m'ignorant totalement au passage. Je lui fis un regard noir.

- "Je crois que vous avez raison. Bella, rentre chez toi, je t'offre ta journée."

- "Quoi? Mais…"

- "Il n'y a pas de mais qui tienne." Rétorqua Alice. "Tu ne vas pas bien et ta patronne accepte de te laisser partir alors prends tes affaire, je t'amène chez toi." Je la regardais béate. Elle ne me laissa pas le temps de réagir car elle fit le tour du comptoir, s'empara de mon sac d'une main et me pris par le bras pour me faire avancer. "Merci encore, c'est très gentil de votre part de lui laisser sa journée." Lança-t-elle derrière elle.

- "Mais c'est tout naturel. Soigne-toi bien Bella." Fit-elle à mon attention tandis que nous sortions. C'était quoi ce délire?

A peine nous fûmes hors de vue du magasin qu'elle me lâcha et je lui fis face.

- "On peut savoir à quoi tu joues?"

- "Il fallait bien que je te fasse sortir d'ici." Dit-elle comme si c'était évident.

- "Et puis comment t'as fait pour te la mettre dans la poche?" Demandais-je assez curieuse.

- "Oh c'est simple." Rit-elle. "Personne ne me résiste. Et puis si tu voyais ta tête, ce n'était pas vraiment un mensonge." Je secouai la tête en soupirant, puis me dirigeai vers ma camionnette.

- "Et où est-ce que tu vas comme ça?" S'enquit-elle.

- "Je rentre chez moi. C'est pour ça que tu as fait tout ce cinéma, je me trompe?" Répondis-je en me tournant vers elle. "Alice?"

- "Tu crois que j'ai monté cette mascarade afin de te faire plaisir et de te laisser rentrer chez toi? C'était purement intéressé, jeune fille." Dit-elle tout sourire. Je fronçai le nez.

- "Dans ce cas là tu peux me dire ce que tu attends de moi au juste?"

- "Et bien j'ai un après-midi de libre et toi aussi. Par conséquent je crois qu'une sortie pour faire les boutiques est de rigueur." Conclut-elle.

- "Tu es sérieuse? Il est hors de question que tu m'emmènes dans tes plans pourris."

- "Mes plans pourris comme tu dis, pourraient bien t'aider à séduire mon cher frère alors s'il te plait, aie un petit peu plus de respect pour eux."

- "Tu dis n'importe quoi!" Rouspétais-je, piquée au vif. "Je me fiche totalement de ton frère et de ce qu'il peut penser." Reniais-je pas crédible pour un sou. Alice eut un léger moment d'absence avant de reposer les yeux vers moi et de me faire un sourire mystérieux.

- "C'est-ce qu'on verra." Dit-elle avant de me prendre le bras et de m'emmener vers la direction opposée à ma Chevrolet.

- "De toute façon on ne peut pas faire de shopping." Elle se retourna. "Non mais tu as vu où on est? C'est Forks Alice!"

- "Qui a dit que nous allions rester à Forks?" Dit-elle. Évidemment, elle avait tout prévu.

- "Et où est-ce qu'on va dans ce cas?""

- "A Port Angeles voyons. D'ailleurs dépêchons nous, on a qu'un après midi.

- "Euh Alice, je ne crois pas que ce soit une très bonne idée. La dernière fois que je suis allée à Port Angeles, j'ai failli me transformer en Tony Montana." Elle me regarda et éclata de rire.

- "Tony Montana? Tu n'arriverais même pas à te battre contre une abeille." Rit-elle plus fortement. Je lui fis un regard sévère.

- "Je te remercie de te moquer de moi."

- "Ne le prends pas mal Bella, mais je dis la vérité. Quoi que tu t'étais plutôt bien défendue contre ces types."

- "Un peu que je m'étais bien défendue! Je leur ai fichu la peur de leur vie!" M'exclamais-je sur la défensive.

- "N'exagère pas non plus Lara Croft, parce que contre moi tu ne fais pas l'ombre d'un poids."

- "C'est pas pareil." Grognais-je.

- "Tu es de mauvaise foi, c'est tout." Dit-elle en me tirant la langue de façon totalement puérile. Je rentrai dans sa puérilité en lui tirant la langue à mon tour. J'avais beau y regarder de plus près, Alice n'avais strictement rien à voir avec un vampire. Nous nous mîmes à rire comme deux gamines.

"Bon ce n'est pas tout, mais faut qu'on y aille." Déclara-t-elle. Encore une fois elle me tira tandis que je soupirais. Je n'avais vraiment pas le choix. Nous arrivâmes devant sa belle Porche Jaune et elle me fit monter à l'intérieur de force.

- "C'est parti pour une virée shopping." Dit-elle en se frottant les mains, après m'avoir rejointe. "Oh, et sache que je déteste conduire lentement donc j'aimerais assez que tu évites de faire des petites crises d'angoisse car je n'ai pas du tout l'intention de rouler à moins de cent cinquante kilomètres/heure. On a seulement que quelques heures."

- "C'est de famille à ce que je vois." Soupirais-je en attachant ma ceinture de sécurité et en me cramponnant aux bords de mon siège afin de me préparer au décollage.

Alice démarra sur les chapeaux de roues, comme elle avait convenu. Nous roulâmes en silence jusqu'à la sortie de Forks, puis arrivées sur l'autoroute, elle enclencha la radio. Elle se mit à fredonner l'air qui passait sur cette station et je ne pus empêcher une boule de se former dans mon estomac. Elle avait une voix merveilleuse. Elle aurait sans aucun doute remporté les émissions d'interprétations haut la main. Cela élargissait encore plus le fossé qu'il y avait entre moi et cette famille. Soudain, un air que je reconnus passa à la radio. Il s'agissait de Yesterday, le célèbre tube des Beatles. Je ne pus m'empêcher de chanter tout bas. Alice se retourna vers moi avec un regard amusé.

- "Quoi?" Demandais-je.

- "Tu aimes les Beatles?"

- "Oui pourquoi?" Elle secoua la tête en souriant.

- "Pour rien." Puis elle me suivit dans la chanson. Nous nous mîmes à chanter fort, si bien que John Lennon et Paul McCartney furent vite évincés. A la fin de la chanson, je me mis à rire instantanément.

- "Tu fais partager s'il te plait?" Demanda-t-elle.

- "C'est juste que je ne fais jamais ça d'habitude. Je veux dire, chanter avec des personnes autour." Clarifiais-je. "Quand je me mets à chanter, je suis toujours seule. Mais apparemment avec toi je peux faire tout et n'importe quoi." Ris-je. Elle me sourit.

- "Je te l'ai dit. Personne ne me résiste." Elle me fit un sourire adorable, puis se détourna vers la radio. "Oh, j'adore celle là!" Cria-t-elle, avant de se mettre à chanter. Il ne fallut pas longtemps pour que je me mette à chanter à mon tour. Ce cirque dura pendant tout le trajet qui s'est avéré très court au final. Cette fille pétillante et pleine de vie était capable de me faire faire ce qu'elle voulait.

Bella Swan chanter. On aura tout vu.

Elle se gara à la limite de Port Angeles, puis en deux temps trois mouvements nous étions sorties de la voiture et elle me faisait cavaler dans les rues. Elle me conduisit vers un premier magasin. Si j'avais déjà trouvé Alice excentrique et hyperactive, ce n'était rien comparé à ça. A peine étions nous à l'intérieur, qu'elle avait déjà une pile de vêtements sur les bras.

- "Mon Dieu Alice, mais tu es folle!" M'écriais-je quand celle-ci me tendit tous ces vêtements pour que j'aille les enfiler.

- "Oh allez, s'il te plait! Fais moi plaisir, à chaque fois que je te voie tu portes un truc complètement ringard."

- "C'est gentil, ça me fait très plaisir." Dis-je ironique.

- "C'est bon, je rigole. Mais Bella, je ne comprends pas. C'est vrai quoi! Tu es jolie comme un cœur et tu refuses de te mettre en valeur. D'ailleurs, c'est quand la dernière fois que tu t'es achetée un vêtement neuf?" Demanda-t-elle, curieuse. Je ne répondis pas et fixai un point dans le vide, essayant de me concentrer.

"Bella?" M'interrogea Alice. Je levai un doigt pour l'intimer de se taire.

- "Je suis en train de chercher." Répondis-je. Après une minute de réflexion interne, j'abandonnai. "Désolée mais je n'en ai aucune idée." Elle écarquilla les yeux.

- "C'est bien ce que je pensais." Fit-elle se soupirant. "Je ne le crois pas. Ne pas pouvoir se rappeler du dernier vêtement acheté. Tu es vraiment un cas à part, Bella Swan." Cria-t-elle quand je me dirigeais vers une cabine pour essayer tout ce qu'Alice m'avait pris.

- "Je te remercie Alice, ça me va droit au cœur." Répondis-je avec un rictus sur les lèvres.

Les séances d'essayage, durèrent une éternité. Alice m'avait fait défiler un nombre incalculable de fois, me faisant porter des tenues plus extravagantes les unes que les autres. A chaque fois que je me mettais à râler, elle sélectionnait un article de plus, à mon plus grand désespoir. J'avais fini par retenir la leçon et avais arrêté de protester, tandis qu'elle affichait un sourire de vainqueur. La vendeuse du magasin trouvait ce petit numéro très divertissant.

- Essaie celle-là." Me dit-elle en me tendant une robe d'un bleu foncé magnifique. Elle avait un décolleté assez féminin mais pas trop plongeant. Une légère ouverture sur la jambe droite avec une ceinture noir perlé. Le tout ne descendait pas plus bas que le genou.

- "Alice, elle est magnifique. Mais à quoi pourrait elle bien me servir?" Demandais-je tristement. Celle-ci arborait une expression rêveuse.

- "Tu sais quoi, je te l'offre. Prends-là, tu es ravissante dans cette tenue."

- "Quoi? Non mais ça ne va pas! As-tu au moins regardé son prix?"

- "Non. Et de toute façon tu n'as pas le choix, je l'ai déjà acheté."

- "Pardon?" M'exclamais-je.

- "J'ai donné une de mes cartes de crédit et la vendeuse attend simplement que tu daignes l'enlever pour te l'emballer. D'ailleurs j'ai également acheté tous les vêtements que tu m'as rendus." Je ne savais pas quoi dire. Je ne pouvais pas accepter, on ne se connaissait même pas.

- "Alice… Ton geste est sincèrement adorable, mais je ne peux accepter. Je n'aurai jamais les moyens de te rembourser." Elle me fit les gros yeux.

- "Me rembourser? Bella tu m'insultes là. Jamais il n'a été question que tu me rembourses quoi que ce soit."

- "Mais enfin tu ne peux pas m'offrir tout ça, c'est du délire! De la folie!"

- "Cesse de te tourmenter. Dis-toi que tu me rends un service en acceptant." Je la regardai abasourdie.

- "Un service? Parce que pour toi, quand tu m'offres un cadeau, c'est moi qui te rends service?" Demandais-je éberluée.

- "Ce n'est pas le fait que je t'offre un cadeau, mais le fait que tu l'acceptes. Rends-moi ce service Bella. Accepte mes cadeaux. Tu sais, je fais aussi ça pour le bien de l'univers."

- "Le bien de l'univers?" Demandais-je en rigolant.

- "Et bien oui, t'offrir des vêtements permettra aux gens qui passent dans la rue de ne pas avoir mal aux yeux quand ils te regarderont."

Je restai la bouche entrouverte. J'aurais dû être énervée après elle pour avoir dit quelque chose d'aussi vexant mais bizarrement, je n'y arrivais pas. Je n'interprétais pas ses paroles comme de la méchanceté. J'avais l'impression que tout ce qu'elle dirait ne pourrait jamais être quelque chose de méchant.

- "D'accord." Capitulais-je. "Mais à part finir aux fins fonds de mon placard, je ne vois pas du tout à quoi elle me sera utile."

- "Tu pourrais bien être surprise." Sourit-elle avant de se détourner, tandis que je retournais dans la cabine pour me changer.

Quelques minutes plus tard, nous ressortions les bras chargés de sacs, sous les regards heureux de la vendeuse qui nous disait de repasser quand on voulait. Forcément, elle s'en était remplie plein les poches à mes dépends.

Je pensais qu'en rejoignant sa voiture, nous rentrerions enfin à la maison mais c'était mal la connaître. Elle n'y allait que pour charger les sacs dans le coffre afin de repartir les mains libres. Seigneur si tu m'entends, viens me libérer de cet enfer!

Elle me dirigea cette fois ci, tout droit dans l'antre de Satan. Une boutique de chaussures. Mon pire cauchemar.

- "Non Alice! Il est absolument hors de question que tu me fasses porter ça!" Plaidais-je alors qu'elle m'avait tendu des talons aiguilles de la taille de mon majeur.

- "Oh je t'en prie, ces talons sont minuscules." S'entêta-t-elle.

- "Minuscules pour toi peut être, mais pour moi ces talons sont comme le cou d'une girafe."

- "Tu exagères un peu. Je suis certaine qu'avec un peu d'entraînement tu arriverais à marcher avec, sans trébucher."

- "Alice." Dis-je sérieusement. "Tu es celle qui vois l'avenir. Alors dis moi ce que tu vois.t Elle se concentra puis me regarda avec un sourire désolé.

- "Tu as raison, tu n'y arriveras jamais." Je lui fis un sourire fier.

- "Merci."

Ceci ne l'empêcha pas de m'acheter une autre paire de chaussure avec des talons plus petits. Tant pis, elles resterons dans leur boite. Ou je pourrais très bien les donner à une œuvre de charité.

- "N'y pense même pas. Tu les mettras que tu le veuilles ou non." Dit-elle en sortant de la boutique. Fichue voyante.

- "Est-ce que maintenant, on peut rentrer?" Demandais-je en feignant l'agacement. En réalité, cette journée m'avait plus, beaucoup plus que je ne voulais l'avouer.

- "Il nous reste un dernier endroit à faire avant de rentrer."

Nous marchions dans la rue jusqu'à ce qu'elle s'arrête devant une boutique de costumes.

- "Alice, t'es pas sérieuse." Celle-ci sourit puis m'y entraîna.

- "Tu verras, ce sera marrant."

Une fois à l'intérieur, mes yeux s'écarquillaient d'eux même. Je n'avais jamais entendu parler d'une boutique de costumes à Port Angeles. Je restai immobile. Il y avait des enfants comme des adultes. La plupart des petites filles essayaient des robes de princesses et cela me donna un peu de nostalgie.

- "Bella regarde." Je me retournai et vis qu'Alice n'avait pas perdu son temps. Elle était vêtue d'une cape noire et avait mis des crocs de vampires. J'éclatai de rire en la voyant.

- "Là, c'est ressemblant. T'as vraiment l'air d'un vampire au moins." Elle retira les crocs pour parler.

- "Parce que pour toi je n'en suis pas un vrai?" Rit-elle. "Tu veux peut être que je te le prouve." Elle dévoila ses dents superbement taillées et alignées.

- "Non, sans façon." Répondis-je. Elle repartit je ne sais où et revint deux minutes plus tard avec une veste et un chapeau de cow-boy.

- "Tiens, mets ça." Dit-elle en me le mettant sur la tête et en me passant la veste de force. Elle m'observa et devant ma mine confite, elle se tordit de rire. Je lui fis un regard de tueur, ce qui accentua son hilarité. "Excuse-moi mais… si tu voyais ta tête! Tu sais quoi? Je vais te montrer."

Elle ouvrit son sac à main, en sortit un appareil photo numérique, et avant que je n'ai le temps de dire ouf, appuya sur le bouton de l'appareil. Elle observa attentivement la photo et rapidement, son hilarité revint de plus belle.

- "T'as fini oui?" Tentais-je tant bien que mal d'être agacée. J'avais du mal à cacher mon rire.

- "Tiens, regarde." Elle me montra la photo et je compris pourquoi elle rigolait. Ma tête était vraiment comique. Le chapeau était complètement de travers, les cheveux en bataille, la veste super voyante, ma bouche était à moitié ouverte et mes yeux cernés à cause de ma mauvaise nuit. C'était la photo de moi la plus pittoresque que je connaissais. Je ne pus m'empêcher de rire également.

- "Tu as vraiment intérêt à l'effacer." Dis-je, après avoir repris mes esprits.

- "Je ne sais pas. Il faut d'abord que je la montre à Edward." Je faillis m'étouffer.

- "Quoi?" Hurlais-je. "Pas question! Je te l'interdis." Elle se mit à sourire, espiègle. "Alice, je t'interdis de montrer cette photo à ton frère, c'est clair?" Menaçais-je.

- "Tiens tiens… Je croyais que tu te fichais complètement de ce qu'il pensait?"

- "Tu m'énerves!" Pestais-je, en colère après moi-même pour m'être faite avoir par ce lutin. Celle-ci souriait de fierté.

Nous essayâmes des tas de costumes pour délirer et à chaque fois, éclations de rire en voyant l'autre. Alice prenait des photos - beaucoup trop à mon goût - et souriait, contente d'avoir trouvé un moyen de pression contre moi. Lorsque l'heure de fermeture arriva, je me rendis compte que c'était la première fois que je faisais les magasins et que je n'avais réellement pas vu le temps passer. D'habitude quand je fais du shopping, je trouve le temps incroyablement long et ennuyeux. Or dans ce cas de figure, je pourrais presque - je dis bien presque - aimer cette activité.

Quand nous sortîmes du magasin et que je vis le sourire d'ange qu'affectionnait Alice, je réalisai la raison de cet après-midi surprise. En effet, lorsqu'elle avait fait croire à Mrs. Newton que j'étais malade, c'est quand elle a vu que je me retenais de pleurer en repensant au comportement que j'avais adopté la veille envers Edward. Je compris alors ses principales motivations de cette virée shopping à Port Angeles. Ce n'était pas pour renouveler ma garde robe comme j'ai pu le penser - bien que je doute qu'elle y ait fortement songé - mais afin de me faire oublier l'espace d'un instant tous mes tourments. Elle m'avait vu torturée et à voulu me redonner le sourire en me « kidnappant » de mon travail et en me faisant faire la seule chose qui selon elle, était la plus susceptible de remonter le moral et de me redonner de la gaieté. Et apparemment elle a eu raison car je n'avais pas ri autant depuis un bail.

- "Merci Alice." Dis-je, alors que nous marchions vers un parc. Nous avions décidé de prolonger la journée car aucune de nous n'avait envie de rentrer.

- "Pourquoi?" Demanda-t-elle en se tournant vers moi.

- "Pour cette journée. Tu as su que j'en avais besoin." Elle sourit.

- "De rien. Je dois t'avouer quelque chose Bella. J'ai passé une super journée avec toi." Je m'arrêtai de marcher et la questionnai du regard. Elle se mit à rire. "Ce que je veux dire c'est que je n'ai pas souvent, voir jamais un compagnon avec moi. Tu sais, je vis avec quatre garçons. Entre Carlisle qui passe son temps à l'hôpital ou à chasser, Emmett qui éclate de rire dès que je lui parle shopping, Edward qui devient grognon et Jasper qui me fait chanter pour que je le laisse tranquille avec ça…"

- "Il te fait chanter? Comment ça?" Demandais-je.

- "Tu tiens vraiment à le savoir?" Dit elle avec un sourire plein de sous entendu. J'avalai ma salive durement et détournai le regard, embarrassée. Sa vie intime avec Jasper ne m'intéressait absolument pas mais je ne pus m'empêcher de me demander de quelle façon il la faisait chanter et comment il y arrivait. Car connaissant Alice, je suis certaine que même ce genre de chantage ne l'empêcherait pas de l'emmener avec elle dans les magasins, et connaissant les hommes en général, je sais qu'ils ont beaucoup de mal à s'abstenir longtemps. Est-ce que les vampires sont différents? Une part de moi priait pour que ce ne soit pas le cas et je me demandais bien pourquoi. Alice coupa court à mes pensées, assez inconvenables je dois l'admettre et reprit son discours. "Enfin ce que je tenais à dire, c'est que je suis vraiment contente d'avoir enfin trouvé une partenaire de shopping." Je la regardai en souriant timidement.

- "Et moi je suis vraiment contente d'avoir enfin une amie plus petite que moi." Elle rigola.

- "Fais gaffe Swan, je pourrais te mordre."

- "Ah oui, et avec quoi? Tes petites dents de lait?" Elle fit mine d'être offensée.

- "Viens par ici. Tu vas voir de quoi mes dents de lait sont capables."

- "Mais je t'en prie Alice, mon cou n'attend que ça." Plaisantais-je en exposant mon cou et en le montrant du doigt.

Nous continuâmes à plaisanter jusqu'au parc, puis nous nous assîmes sur un banc. Un silence commença à s'installer et je compris qu'une discussion sérieuse allait faire son entrée.

- "Je sais pourquoi tu le repousses." Dit-elle d'entrée de jeu. Je tournai la tête en sa direction pour la pousser à développer. "Il y a quelque chose que tu dois savoir. J'ai vu la discussion que tu as eue avec ton amie le soir où Edward t'a ramené en voiture." Je la regardai décontenancée.

"Je suis désolée Bella. Je n'observe jamais la vie des gens comme ça d'habitude. Surtout que je ne te connaissais pas. Enfin, je ne t'avais rencontré qu'une seule fois. Mais étant donné qu'Edward était sur la piste de ces nomades, je n'ai pas arrêté de le surveiller. Puis j'ai vu ce qui se passerait avec toi et toute votre soirée. Enfin je vous ai quand même laissé tranquilles car je savais qu'il me passerait un sermon en rentrant. Mais j'ai vu toute votre conversation dans la voiture et lorsqu'il t'a déposé, j'étais inquiète de savoir si tu allais bien alors j'ai regardé ce que tu ferais une fois rentrée chez toi, et quand j'ai vu que tu allais parler de nous avec Rosalie, je n'ai pas pu m'empêcher d'écouter… Bella?" M'appela-t-elle quand elle vit que je ne réagissais pas.

- "Je…Je ne t'en veux pas." Dis-je dans le vague. J'essayais tant bien que mal de me rappeler ce que j'avais pu dire de compromettant.

- "Il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour vite me rendre compte que tu avais des comptes à régler avec mon père." Elle me regarda afin de jauger ma réaction. Je restai impassible.

- "Nous n'avons aucun compte à régler." Répondis-je, sans appel.

- "Pourquoi lui en veux-tu? Quand j'ai vu ce que tu disais à ta copine, je n'ai jamais autant eu envie d'avoir la faculté de voir le passé."

- "C'est une vieille histoire Alice. Il était mon médecin et il a utilisé des méthodes qui m'ont déplu pour me sauver."

- "Mais tu t'en es sortie, alors où est le problème?"

- "C'est compliqué. Mais comme je viens de te dire, il a fait des choses pour me sauver qui me donnaient envie de ne pas l'être justement."

- "Tu aurais préféré qu'il ne te sauve pas?" Demanda-t-elle confuse. Il est vrai que d'un point de vue extérieur, cela semble incohérent.

- "Disons que j'aurais aimé que les choses se passent différemment. Qu'il trouve un moyen de me sauver d'une autre façon."

Le silence se réinstalla, tandis que chacune méditait sur ce que je venais de dire. Elle, essayait de comprendre, et moi, vérifiais que je n'en avais pas dis trop.

- "Qu'est-ce qu'il a fait?" Tenta-t-elle.

- "Alice, je ne sais pas si…"

- "Non c'est bon, je comprends. Mais si jamais tu souhaites te confier un jour, il suffira d'en avoir l'intention et j'apparaîtrai tout de suite." Dit-elle en souriant.

Je souris moi aussi. Je commençais sincèrement à apprécier cette fille. Elle était très différente de moi en tout points de vue, mais j'avais le sentiment que nous pourrions créer une réelle amitié, sincère et authentique. Je commençais soudainement à culpabiliser de ne pas lui dire la vérité, de lui cacher mon passé. Si je lui avouais tout maintenant, je me sentirais beaucoup mieux, et je sais qu'elle ne me jugera pas et ne parlera de ça que si je l'y autorise. Au fond de moi, je voulais me confier à elle.

J'en éprouvais même un besoin. C'était la première fois que j'éprouvais un réel besoin d'en parler à quelqu'un. Quand j'en avais parlé à Rosalie il y a des années, je le ressentais plus comme une obligation, un devoir de ma part après qu'elle m'ait parlé de sa vie. Mais avec Alice, je ne le sentais pas comme une obligation. Je le ressentais comme une envie. Une envie profonde de me confier sur ce qui me pèse à une personne de confiance. Mais je ne le pouvais pas. Je ne pouvais tout simplement pas me le permettre car il y avait une autre personne qui méritait de le savoir en premier. Une personne avec qui j'étais impliquée émotionnellement.

- "Je te remercie Alice." Dis-je. "Mais si je dois me confier, je préfère…"

- "Je le sais." Me coupa-t-elle. "Et je suis d'accord avec toi. Seulement pour être honnête avec lui à ce niveau là, il faudrait d'abord que tu sois honnête avec tes sentiments."

- "Je le suis." Répondis-je.

- "C'est vrai?" Demanda-t-elle en souriant. Je hochai la tête et rougis. "Alors pourquoi est-ce que quand je scrute l'avenir, tu cherches à le fuir? Tu sais, c'est pour ça que je suis venue te voir en premier lieu."

- "Je ne sais pas… Je crois qu'au fond, j'ai peur que s'il était au courant de ce qui s'est passé, il me rejetterait pour avoir traîné son père en justice et que j'en souffrirai."

- "Tu as traîné Carlisle en justice!?" Cria-t-elle. Je la regardai inquiète, me maudissant intérieurement pour mon erreur.

- "Je suis désolée. Ne me juge pas d'accord?" Elle m'observa minutieusement puis tenta de me rassurer.

- "Je ne comptais pas t'en vouloir. J'ai juste été étonnée. Je ne pensais pas que ça avait prit des tournures pareilles. Comment a-t-il fait pour nous cacher ça? Et puis qu'est-ce que je faisais moi, pour ne pas voir ce qui allait se passer?"

- "Alors là, je ne peux pas répondre à ta place. Mais peut être que tu avais des choses plus importantes à faire que de surveiller ton père qui était simplement sensé s'occuper d'un patient, à la base." Elle se mit à sourire rêveuse.

- "C'est vrai que j'avais des choses plus importantes à faire à ce moment là." Je regardai son sourire idiot sur le visage et ne pus m'empêcher de trouver cela attendrissant. Elle l'aimait profondément. Chacun était l'âme de l'autre. Ils n'étaient entiers qu'avec l'autre à coté d'eux.

- "Tu as tout de suite su que tu étais amoureuse de lui?" Demandais-je intéressée.

- "Oui. Je l'avais vu en vision et je suis allée le chercher. Depuis ce jour, on ne s'est jamais quitté."

- "Comment as-tu su que c'était le bon, qu'il n'existait pas quelqu'un quelque part que tu puisses aimer plus puissamment que Jasper?"

-" Lorsque j'ai imaginé mon mariage dans mon esprit, la personne qui me passait la bague au doigt, c'était lui. Tu sais, quand tu penses à la personne et que ton cœur - même un cœur mort - se met soudainement à tambouriner comme s'il sortait de ta poitrine… Bien sûr, ce n'est qu'une illusion puisque le nôtre ne bat plus depuis longtemps. Mais l'impression des battements est toujours présente. Et puis lorsque tu envisages de t'éloigner et que tu sens que ça t'es physiquement douloureux, ne serait-ce que d'y songer… C'est tous ces éléments réunis qui te permettent de savoir si c'est le bon ou pas."

Je soupirai, attendrie. Quand je les avais vu ensemble ce fameux jour dans la boutique d'Esmée, ils ne s'étaient embrassés que très légèrement, mais je les avais trouvé tellement fusionnels et amoureux… Je n'étais pas étonnées qu'ils se soient aimés dès le premier regard.

- "Tu as beaucoup de chance." Dis-je sincèrement.

- "C'est vrai." Sourit-elle. "Mais toi aussi." Je la regardai dans les yeux, incertaine.

- "Je ne sais pas Alice." Dis-je en baissant la tête.

- "Moi je le sais. Je comprends que tu puisses avoir peur de t'attacher et de tomber. Mais dans la vie, il faut savoir prendre des risques. En agissant comme tu le fais, tu ne risqueras pas de souffrir, mais tu ne risqueras pas d'être heureuse non plus." Je relevai la tête vers elle et croisai son regard confiant. Je trouvais son raisonnement parfaitement sensé. Et c'est ce qui m'inquiétait le plus.

- "On y va?" Demandais-je, ne pouvant plus réfléchir. Elle le comprit sans difficulté.

- "On y va." Répondit-elle en me tendant la paume de sa main. Je mis ma paume dans la sienne sans hésitation et nous nous rendîmes à sa voiture.

Cette conversation m'avais sérieusement épuisé. Aucune de nous ne parla durant le trajet. Du moins, jusqu'à ce qu'elle ne se décide à briser le silence.

- "Il y a quelque chose qui m'intrigue. Ton amie Rosalie… Qu'est-ce qu'elle a voulu dire quand elle a dit que ton ancien petit ami savait ce qu'il faisait?" J'hésitai longuement. Puis capitulai.

- "Elle pense que l'accident que j'aie eu n'était pas anodin. Mais je ne suis pas d'accord avec elle."

- "Mais a-t-elle de bonnes raisons de penser ça?" Je la regardai hésitante.

- "Oui. Elle a d'excellentes raisons de penser que Tyler ait voulu cet accident."

- "Alors pourquoi tu penses le contraire?"

- "Parce que je ne peux pas croire qu'il ait voulu ça. C'était la veille de noël, il n'avait que dix huit ans. Il tenait à la vie. Jamais il ne risquerait de la perdre pour…" Je m'arrêtai soudainement, me rendant compte que j'en disais trop.

- "Je ne comprends pas. Tu viens de dire qu'il avait d'excellentes raisons pour provoquer cet accident, mais qu'il tenait à la vie. C'est incohérent. A moins que…" Elle me regarda incrédule. Elle venait de comprendre la raison pour laquelle Tyler aurait souhaité cet accident. "Qu'est-ce que tu lui as fait pour qu'il veuille…"

- "Si je te le disais, je serais obligée de tout te raconter." La coupais-je.

- "Bella, c'est extrêmement grave." Dit-elle sérieusement. "Ce ne serait plus un accident mais un homicide volontaire dans ce cas."

- "Je sais, et c'est pour ça que je ne crois pas qu'il l'ait planifié. Aussi forte qu'était son envie de me tuer, il n'en aurait jamais été capable. Et puis comme je l'ai dit, il tenait à la vie. C'était un adolescent en quête d'université et de carrière." Elle ne dit rien, mais je voyais que je lui avais donné matière à réfléchir.

- "Carlisle ne nous parle jamais de ses patients." Dit-elle brusquement. "Nous vivions en Alaska lorsqu'il a reçu l'appel en provenance de Seattle. Cela ne lui arrive pas souvent d'être appelé pour une urgence. Nous tenons à notre discrétion. S'il devient célèbre dans le monde de la médecine, cela risquerait d'être compromettant." Je hochai la tête. "Il nous a appelé plusieurs fois pour dire qu'il y avait des complications et qu'il ne rentrerait pas tout de suite. Si j'avais su qu'en réalité, il était au tribunal… D'ailleurs pourquoi l'y as-tu traîné?"

- "Je préfère ne pas en parler." Dis-je sur la défensive.

- "Très bien, je n'insiste pas. Mais peux tu au moins me dire comment ça s'est passé? Comment s'y est-il prit pour se défendre?"

- "Il avait un très bon avocat. Ami à lui sans aucun doute."

- "Comment était-il?"

- "La peau foncée. Il s'appelait Denali, il me semble."

- "Eleazar." Conclut-elle.

- "C'est un vampire, j'imagine?"

- "Oui. Il vient d'un autre clan en Alaska. Ils sont nos amis les plus proches. Nous vivions avec eux d'ailleurs. Mais la cohabitation fut assez compliquée. Parce que je suis peut être la seule fille parmi quatre garçons, mais Eléazar est le seul garçon parmi quatre filles. Et entre Kate qui draguait Emmett ouvertement et Tanya qui…" Elle se stoppa lorsqu'elle vit mon regard s'assombrir. "Enfin, on a préféré se séparer." Éluda-t-elle. Je secouai la tête, ne préférant pas savoir la fin de la phrase qu'elle n'a pas terminée. "Comment s'est-il défendu alors?" En revint-elle au sujet précédent.

- "Il a trafiqué mon dossier et m'a fait passé pour une cinglée." Dis-je cyniquement. Son regard semblait désolé. Elle me scruta attentivement et parla avec franchise.

- "Je ne cautionne pas ce qu'il a fait. Seulement vois-tu… Il ne pouvait pas aller en prison. Pas avec sa condition. Cela ne concerne pas que lui, mais toute notre espèce."

- "Oui je comprends." Dis-je avec honnêteté. "J'aurais simplement aimé le savoir avant." Elle hocha la tête, compréhensive. Nous arrivâmes devant chez moi. Je n'éprouvais pas vraiment l'envie de retourner à la maison et d'affronter la situation que j'aie actuellement avec Rosalie.

- "Je monte avec toi." Dit-elle. "Je ne vais pas te laisser porter tous ces sacs tout de même." Elle me fit un clin d'œil avant de sortir de la voiture. Nous nous dirigeâmes vers mon appartement, les bras envahis par les sacs de tonnes de vêtements. Lorsque j'ouvris la porte, je fus soulagée de voir que Rosalie n'était pas encore arrivée.

- "Et bien c'est tout mignon chez toi." Dit Alice en entrant avant même que je ne lui aie dit de le faire.

- "Merci. C'est Rosalie qui s'est surtout occupée de la décoration."

- "Elle a bon goût." Sourit-elle.

- "Bella?" Je tournai instinctivement la tête vers Rosalie qui venait de sortir de sa chambre. Merde. Pensais-je. A en voir sa posture et son dédain, elle n'avait vraiment pas l'intention d'être commode,= ce soir. Il faudra que je demande à Alice.

- "Euh… Rose, je te présente Alice Cullen. Alice, voici Rosalie Hale, ma colocataire." En temps normal, quand je présente Rosalie à quelqu'un, je dis toujours ma meilleure amie derrière. Mais à ce moment là, je n'en voyais pas l'utilité.

- "Enchantée." Dit Alice en souriant et en allant lui faire la bise. La belle blonde semblait réticente et répondit avec froideur.

- "Moi de même." Alice s'écarta et vint à coté de moi. "Tu peux m'expliquer ce que vous avez fait pour vous ramener avec tout ce bazar?" Demanda-t-elle, sans se décoincer.

- "On a fait du shopping tout l'après-midi." Répondit Alice, l'air de rien. Rosalie sembla s'énerver intérieurement, encore plus qu'elle ne l'était déjà.

- "Tu n'étais pas sensée être au travail Bella?"

- "En réalité, c'est ma faute. J'ai fait croire à sa patronne qu'elle était malade et on est partie à Port Angeles. Il était temps de lui changer sa garde robe."

- "Oui, je lui dis tous les jours." Dit-elle en me regardant sombrement. Je ne savais plus où me mettre. Rosalie se montrait vraiment odieuse envers Alice qui avait été formidable avec moi aujourd'hui. Je connais son aversion pour les Cullen - c'est d'ailleurs de là que viennent nos différents - mais de là à se comporter de cette façon en leur présence, je trouvais cela inqualifiable. Même si Alice était un vampire, j'éprouvais le besoin de l'aider et de la sortir de là.

- "Bien Alice, je te raccompagne à ta voiture."

- "Oui, volontiers." Dit-elle sans se départir de son sourire. "Au plaisir, Rosalie." Salua-t-elle en passant devant moi. Aucune réponse. Nous descendîmes les escaliers et marchâmes jusqu'à sa porche.

- "Je ne sais pas quoi dire. D'habitude elle n'est pas comme ça." Dis-je. "C'est vraiment quelqu'un de bien." Ne pouvais-je m'empêcher de prendre sa défense.

- "Je n'en doute pas." Dit-elle. "Si tu le penses, c'est que c'est la vérité." Je lui souris pour la remercier.

- "Je te l'ai déjà dit, mais j'ai passé une super journée avec toi. Merci pour tout. Les vêtements aussi."

- "De rien." Dit-elle en m'enlaçant. Cette fille avait peut être un corps extrêmement froid à l'extérieur, mais je pouvais dire que l'intérieur était rempli de chaleur. "Et puis, maintenant que j'ai enfin trouvé une partenaire pour faire les boutiques, je ne vais plus la lâcher." Rit-elle.

- "Là dessus, je te fais totalement confiance." Ris-je à mon tour. Elle se détourna vers sa voiture et s'apprêtait à monter quand quelque chose me frappa.

"Alice?" Elle se retourna.

- "Oui?" Sourit-elle.

- "Et bien… Il se trouve que je crois que tu as raison. Je vais suivre tes conseils." Son sourire s'élargit comme jamais. "Enfin, tu pourras lui dire que…"

- "Je lui dirai de venir te voir ne t'inquiètes pas." Me coupa-t-elle. Je la regardai, à moitié gênée et à moitié reconnaissante.

- "Merci."

- "Non, merci à toi. Oh, et je suis sincèrement désolée." Fit-elle.

- "Pourquoi?" Demandais-je.

- "La dispute. Ça va chauffer entre vous."

- "Oh, je vois. Merci de me prévenir. Il n'y a pas moyen que je me réfugie dans ma chambre?"

- "Niet. Merci de prendre ma défense au passage."

- "Je fais l'avocat du diable, comme on dit." Dis-je en soupirant.

- "Plutôt celui des vampires. Mais c'est presque pareil. A plus Bella."

- "Salut Alice." Elle me fit un signe de la main avant de s'engouffrer dans sa voiture et de démarrer. "C'est parti pour une soirée inoubliable." Fis-je en me dirigeant vers chez moi, presque à reculons.

Je rentrai à l'intérieur et vis que Rosalie m'attendait de pied ferme, les poings sur les hanches. Son visage était inexpressif. Je restai immobile, attendant la sentence.

- "Tu refuses toujours de faire les boutiques avec moi d'habitude." J'écarquillai les yeux. Je ne m'étais certainement pas attendue à ça. Je m'étais préparée psychologiquement à des « Qu'est-ce que tu fous avec Alice Cullen? » ou encore « Qu'est-ce qui te prend de sécher le boulot? » Mais pas du tout à cette réflexion. Cela eut le don de me décontenancer.

- "Ce n'étais pas du tout au programme. Alice est arrivée et m'a embarqué. Je n'ai pas eu le choix."

- "Évidemment." Murmura-t-elle.

- "De toute façon, je ne vois pas en quoi cela te pose un problème. C'est ma vie, il me semble."

- "Oh, mais il n'y a aucun problème. Tu as toujours détesté le shopping et supplié pour ne jamais y aller avec moi. Et maintenant, tu quittes carrément ton travail pour courir à Port Angles faire les magasins avec cette fille. Je ne vois rien d'anormal la dedans."

- "Je n'allais pas très bien. Alice l'a vu et elle a voulu me faire passer une journée agréable plutôt que de rester à mon travail à gober les mouches. D'ailleurs tu t'es vraiment mal conduite, quand elle était là."

- "Tu voulais quoi? Que je l'accueille avec un grand sourire?" Fit-elle avec un sourire ironique.

- "Non, mais un peu plus de politesse aurait été plus sympa de ta part. Elle a vraiment été adorable avec moi."

- "Tant mieux pour toi. Tu sais quoi? Je suis ravie que tu te sois trouvée une nouvelle amie." Elle se détourna vers la cuisine. Je la suivis.

- "Au moins elle, elle ne m'ignore pas et ne me laisse pas pleurer dans mon coin." Répliquais-je acide.

- "Et moi? Qu'est-ce que tu crois, que je nage en plein bonheur? Pas une seule fois ces temps-ci tu ne m'as demandé comment j'allais."

- "Toi non plus! Tu passes ton temps à critiquer mes fréquentations. Mais enfin, tu crois que j'ai choisi d'être tombée amoureuse d'un v…" Je me stoppai net devant l'erreur fatale que je m'apprêtai à commettre. "Cullen?" Finis-je, mal assurée. Elle me scruta et baissa les yeux.

- "Non. Mais tu n'es pas obligée d'aller vers lui. Tu peux essayer de passer à autre chose et d'oublier les sentiments que tu éprouves pour lui."

J'essuyai une larme qui avait coulé du coin de l'œil avec ma manche.

- "Je ne peux pas. Je n'y arriverai pas. Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'une passade. Je n'ai jamais ressenti ça, c'est dingue."

- "C'est surtout que tu n'en as pas envie." Conclut-elle.

- "Ce n'est pas une question de volonté." Rectifiais-je. "Je n'ai pas le choix."

- "Depuis combien de temps tu le connais pour parler comme ça?" Demanda-t-elle en secouant la tête d'incrédulité.

- "Le temps n'a rien avoir. Je sais que je ne pourrai pas continuer à le fuir bien longtemps."

- "Mais enfin, tu peux quand même essayer. Essaie de te faire violence." Je l'observai attentivement, complètement incrédule. Venait-elle sérieusement de me dire ça?

- "Je n'arrive pas à croire ce que tu viens de dire." Fis-je tout bas. "J'ai l'impression d'avoir affaire à une étrangère."

- "Tu sais, quand je t'ai rencontré," Commença-t-elle, "j'ai vraiment cru en toi. J'ai vraiment cru que tu étais une fille qui voulait s'en sortir mais qui avait simplement besoin d'un soutien. Aujourd'hui, je me rends compte que j'avais tort. Tu ne veux pas t'en sortir, tu veux refaire les mêmes erreurs. En réalité, ça te plait de souffrir. Tu avais raison dans le cabinet du psy. Tu es maso. Une véritable sadomasochiste."

La claque partit toute seule. Je l'avais giflé avec toute la force que j'avais.

- "Tu n'es qu'une sale garce." L'insultais-je. Elle me gifla à son tour.

- "N'oublie pas que sans la « garce » tu serais encore en train de dépérir quelque part."

Je me contentai de la regarder longuement et entrepris d'aller à ma chambre, déçue et malheureuse de la tournure qu'avait prise notre amitié, auparavant si forte et indestructible.

- "Bella?" M'appela-t-elle. Je me retournai hésitante. J'espérais de tout cœur que ce soit pour s'excuser. J'avais tellement besoin d'elle en cet instant que même un simple pardon murmuré tout bas aurait suffit pour que je courre me réfugier dans ses bras. Elle baissa les yeux, puis les remonta. "Je me doute qu'après ce qui vient de se passer la communication entre nous va devenir des plus difficiles. Mais j'estime que j'ai parfaitement le droit de savoir ce que tu sais à propos des Cullen. Alors réponds-moi sincèrement. As-tu appris quelque chose de nouveau sur eux?"

J'ouvris la bouche, surprise. Dieu que j'ai été sotte de croire qu'elle aurait pu abaisser sa fierté et s'excuser. Comment ai-je pu espérer qu'on puisse se réconcilier? A cet instant, le seul sentiment qui s'emparait de moi était celui du désespoir. Mais elle avait raison. Elle avait le droit d'être au courant. De connaître le mystère que renfermaient les Cullen. Je ne pouvais pas lui cacher ce que je savais, en sachant qu'elle, ne m'a jamais rien caché. Et je sais qu'elle m'aurait tenu au courant si elle avait appris quelque chose. Même dans cette situation conflictuelle. Alors, c'est avec certitude que je lui répondis.

- "Non." J'essayais tant bien que mal de cacher ma béatitude et mon étonnement face à cette réponse. J'avais l'intention de lui dire oui. J'avais ouvert la bouche pour lui dire oui. Pourquoi lui ai-je menti? Je voulais lui dire la vérité. Lui dire que les Cullen étaient des vampires. Alors je rouvris la bouche. Mais aucun son ne sortit. Mon corps ne me répondait plus. Il refusait de faire ce que je lui demandais. Il refusait de parler. Rosalie fronça les sourcils, face à mon étrange réaction.

- "Tu en es certaine?" Insista-t-elle. Elle me donnait une dernière chance de pouvoir espérer recoller un jour les morceaux. Une dernière chance de ne pas être complètement ennemie. Je devais lui dire la vérité. Je savais qu'elle ne me le pardonnerait jamais si je lui mentais. Les larmes envahissaient mes joues. Puis je repensai à Edward et me demandai s'il m'en voudrait lorsqu'il apprendrait que j'avais dévoilé leur secret. Les larmes redoublaient à mesure que je prenais conscience de ce que j'allais lui répondre. Je ne pouvais pas le lui dire à haute voix alors tout doucement, je secouai la tête, dégoûtée de ce que j'étais en train de faire. Elle soupira de déception.

- "Bien. Mais si jamais tu apprenais quelque chose à leur sujet, tu me le dirais n'est-ce pas?" Demanda-t-elle avec espoir.

- "Bien sûr." Répondis-je piteusement.

Elle m'accorda un regard dédaigneux comme elle savait si bien les faire, puis se détourna. C'est à ce moment là, que je me rendis compte que je ne regrettais pas du tout ma décision de lui avoir menti. J'avais vainement espéré qu'elle m'appellerait pour sauver notre amitié mais ce n'était pas le cas. Elle ne m'a interpellé uniquement que pour obtenir quelque chose de moi. Je ne pouvais pas laisser passer ça. Elle s'était servie de moi, m'avait insulté, lorgné… Ce n'était pas la Rosalie avec qui j'avais partagé mes peines et mes douleurs, mes joies et mes fous rires. Le temps de Rose & Bells était révolu.

- "Rosalie?" Appelais-je. Elle se retourna et je m'avançais vers elle. Lorsque je fus à une distance proche, j'annonçais avec haine et mélancolie. "A l'avenir, toi et moi c'est terminé. Je ne veux plus te voir, ni même que tu m'adresses la parole. A mes yeux, tu n'es plus rien, tu n'existes plus."

Nous nous regardâmes longuement, réalisant ce que nous venions toutes les deux de perdre. Puis nous nous séparâmes, chacune dans notre chambre. Aujourd'hui, j'avais fait la connaissance d'une nouvelle amie. Mais j'avais également fait la connaissance d'une nouvelle ennemie. A présent, c'était moi contre Rosalie, et cette vérité me donna un mal de cœur insurmontable. Notre amitié était définitivement brisée.


Samedi.

Trois jours.

Trois jours qu'il ne s'était pas manifesté depuis ma journée avec sa sœur. Cela faisait donc quatre jours depuis qu'on s'était embrassé et toujours rien. Mais qu'est-ce qu'il attendait? Alice m'avait promis qu'elle lui dirait de venir me voir. Mais pourquoi il ne vient pas? Comme par hasard quand je me décide à lui laisser une chance. Remarque, il ne pense peut être pas de la même façon. Peut être que ses sentiments ne sont pas réciproques. C'est même fort probable. Après tout, je n'avais rien d'exceptionnel. Il méritait mieux qu'une pauvre fille problématique. Parce que c'est-ce que je suis, une pauvre fille. Et si c'était le cas? S'il ne voulait pas me voir de la façon dont moi, je le voyais? Rien que d'y penser mon cœur se mit à crier.

- "Mademoiselle?!?" Je relevai la tête pour voir un client assez remonté. Depuis combien de temps m'appelait-il?

- "Désolée." M'excusais-je. "Cela n'eut visiblement aucun effet."

- "Et bah c'est pas trop tôt! Non mais ça fait une heure que je vous appelle pour que vous m'encaissiez. Vous êtes là pour bosser, pas pour glander!"

Je ravalai ma salive avant que le mot « connard » ne sorte de ma bouche et inspirai à fond afin d'éviter de commettre l'irréparable, c'est-à-dire, mon poing dans sa figure.

- "Veuillez m'excuser. Je vous encaisse tout de suite."

- "Ouais bah je vais quand même en parler à votre employeur. C'est inadmissible!"

- "Monsieur, avec tout le respect que je vous dois, vous exagérez un peu. Alors s'il vous plait, évitons un pauvre malentendu et restons en là, vous voulez bien?"

J'étais assez fière de moi pour lui avoir parlé de façon aussi conventionnelle alors que je n'avais qu'une envie, l'insulter de la pire des manières. Le client aigri ne sembla pas se relaxer, mais il abandonna. Il me tendit de l'espèce et partit sans réclamer son dû. J'en profitai pour mettre sa monnaie dans ma poche. Ça remplacera les excuses qu'il ne m'a pas présentées. Je me replongeai dans mon travail, essayant d'ignorer mes pensées qui étaient à vingt mille lieux d'ici.

Je rentrai chez moi, dépitée de n'avoir aucune nouvelle, mais également heureuse d'être tranquille. En effet, Rosalie avait eu la décence de me prévenir en mettant un mot sur le frigo ce matin, qu'elle était partie passer un week-end à la Push, revoir ses anciens amis Quileutes. Ce qui voulait dire, pas de coups de gueules à l'horizon. Je commençai à me préparer un poulet avec des pommes de terre, quand la porte se mit à sonner. L'alarme soudaine provoqua chez moi un effet de sursaut, si bien que j'envoyai valser le plat de pommes de terre en jurant.

- "MERDE!" Criais-je en oubliant que je tenais toujours le poulet dans les mains et en le balançant contre le mur. "MERDE!" J'étais sérieusement énervée contre mon visiteur impromptu. J'attrapai un torchon et m'essuyai les mains, puis me dirigeai vers l'entrée, prête à passer un savon à celui où celle que je découvrirais derrière la porte.

- "Espèce de…" Dis-je en ouvrant la porte. Je réussis à me stopper à temps avant qu'une insulte ne m'échappe devant la personne qui se tenait devant moi. TRIPLE MERDE. Mais qu'est-ce qu'il fichait là? Idiote, c'est toi qui voulais qu'il vienne te voir.

Bon sang, à chaque fois qu'il choisissait de se pointer, il fallait que ce soit dans une situation des plus humiliantes. Avec son ouïe de vampire, il avait sans aucun doute entendu tout mon boucan, les plats qui tombent par terre ainsi que mes jérémiades. En tout cas, ça avait l'air de bien l'amuser car il se retenait de rire devant ma mine qui devait probablement être comique et ridicule. Je me redressai et lui fis face avec le peu de dignité qu'il me restait.

- "Edward." Saluais-je, avec hésitation.

- "Pourquoi est-ce qu'à chaque fois que je viens te voir, tu trouves un moyen d'être embarrassée?" Demanda-t-il avec un sourire moqueur qui me déplut, à la fois parce que je détestais qu'on se moque de moi, mais aussi parce que ça le rendait tellement beau que ça en était désespérant.

- "Qu'est-ce tu veux?" Demandais-je froidement.

- "Je peux entrer?" Demanda-t-il avec un air amusé. Je marmonnai dans ma barbe - bien que je n'en aie pas - et me poussai pour lui laisser le passage. "Alice avait raison, cet appartement te ressemble beaucoup." Dit-il après que j'eus refermé la porte. Je rougis.

- "Merci. Mais pourtant, ce n'est pas moi qui me suis occupée de la déco." Il se retourna et planta ses yeux dans les miens.

- "Bella…"

- "Pourquoi tu ne viens que maintenant?" Le coupais-je. Il me regarda et attendis que je continue. "On s'embrasse, et puis plus rien. J'ai pas eu de nouvelle, rien. Ça t'arrive souvent de te conduire comme ça? Parce que moi, je n'ai pas l'habitude." C'était ma colère accumulée depuis quatre jours qui sortait enfin. Il se pinça l'arrête du nez.

- "J'avais besoin de réfléchir." Répondit-il. "Et non, ça ne m'arrive pas souvent." Si la situation avait été différente, j'aurais sans doute crié de joie en entendant ça.

- "Tu aurais quand même pu daigner…"

- "Dis donc, tu peux parler!" Me coupa-t-il. "Je te signale que c'est toi qui t'es enfuie aussitôt après. Tu es partie si précipitamment que même ma vitesse vampirique n'a pas réussi à te retenir."

Je le regardais et vis que ça avait vraiment dû le tourmenter. Je commençais à me traiter intérieurement de tous les noms pour avoir réagi aussi lâchement et pour oser lui faire des leçons. Je commençais à réaliser que mon comportement avait peut être tout gâché entre nous car lui aussi, avait l'air plutôt énervé.

- "Je suis désolée." M'excusais-je en baissant les yeux, triste d'avoir encore une fois, tout fait foirer.

- "Moi aussi." Dit-il soudainement. Je relevai la tête pour voir s'il était sérieux et apparemment, il l'était. Pourquoi était-il désolé? Il n'avait rien fait de mal. Nous nous regardâmes comme deux idiots, ne sachant quoi dire. Je ne sais pas combien de temps s'écoula pendant tout ce temps, mais je crois que jamais je ne me lasserai de le regarder.

Il portait un jean avec une chemise marron. Il était immobile, telle une réincarnation d'un Dieu grec, tandis que je me dandinais d'un pied sur l'autre. Puis comme un éclair, il reprit la parole.

- "Pourquoi es-tu partie?" Comme par hasard, il me posait la question auquel je n'avais aucune réponse.

- "Je n'en sais rien." Dis-je à bout de nerfs. "Je suppose que j'ai paniqué."

- "Alice dit que cela n'a rien avoir avec le fait que nous soyons des vampires. Mais écoute Bella, je le comprendrais si tu avais peur de moi." Il avait dit ça sur un ton qui laissait planer le doute. Comme s'il ne pourrait pas supporter l'idée que je puisse le craindre, malgré ses dires. Moi en tout cas, je ne supportais pas qu'il puisse penser que je puisse avoir peur de lui. C'était intolérable.

- "Merde Edward! Tu crois sincèrement que je t'aurais couru après quand tu as voulu t'en aller si j'avais peur de toi?" Je lui criais dessus, épuisée par cette situation. "Ce n'est pas de toi dont j'ai peur." Dis-je, les larmes aux yeux. "C'est de moi." Il écarquilla les yeux. "J'ai peur de tout rater. Peur de m'impliquer dans quelque chose et que ça se termine mal."

Il me regarda avec les yeux pleins de compréhension. Puis il vint - à une vitesse incommensurable - m'enlacer, comme il l'avait déjà fait plusieurs fois auparavant. Je passai mes bras autour de son cou et reposai ma tête sur son épaule. Il enfouit la sienne dans mes cheveux et nous restâmes un long moment dans cette position. Je priais pour que cela ne s'arrête jamais.

Mais au bout de ce qui me semblait être des dizaines de minutes, j'en eus assez, je ne pouvais plus supporter plus. Alors ne pouvant plus me contenir, je relevai la tête, m'écartai de lui et posai mes lèvres sur les siennes, qui m'avaient accompagnées à chacune de mes nuits. Il y répondit sans l'once d'une hésitation et je me sentais tout d'un coup renaître. Ses bras se refermaient autour de ma taille, me rapprochant encore plus de lui et je collai mon front au sien. Je sentais ses mains se balader de haut en bas dans mon dos, tandis que je fourrageais les mienne dans sa chevelure si soyeuse. Cela faisait trois nuits que ses lèvres m'obsédaient. Je les avais imaginé m'embrassant, ou se déposer dans mon cou avant de me mordre à la fois de façon mortelle et sensuelle. Aujourd'hui, pour la deuxième fois de ma vie, j'atteignais le paradis.

Après un moment qui me sembla bien trop court, je fis l'effort de m'écarter pour respirer. Je ne cherchais même pas à savoir comment j'avais fait pour avoir encore l'intelligence de reprendre mon souffle. Je plongeai mon regard dans le sien, haletante. Ses yeux brillaient d'un or incandescent tandis que les miens pétillaient. Je reposai ma tête sur son épaule après avoir repris une respiration normale et nous reprîmes la même posture que nous avions adoptés avant mon coup de folie. Je me sentais si bien dans ses bras que mourir à cet instant ne m'aurait pas dérangé le moins du monde. Encore mieux si c'était lui qui abrégeait ma vie. Je lui offrirais avec grand plaisir.

- "Tu ne me laisseras pas hein?" Demandais-je, suppliante. Je n'ose même pas imaginer ce qui pourrait se passer s'il décidait de m'abandonner maintenant, de quitter mon appartement sur le champ et de ne jamais revenir.

- "Je crains de ne pas en avoir la force." Répondit-il tout bas.

Je ne répondis rien, mais me contenta de sourire. Pour la première fois depuis que les Cullen ont fait leur apparition dans ma vie, j'avais le sentiment que les choses pouvaient bien se terminer et que nous pouvions connaître une fin heureuse.

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