mardi 23 mars 2010

Parcours Fructueux: Chapitre 12

Chapitre 12: Confrontation

- "A nous deux ma grande." Débutais-je. "Je veux que tu me dises tout ce que tu sais à propos des Quileutes."

- "Mais de quoi est-ce que tu parles?" Demanda Rosalie avec un visage fermé et dénué de toute émotion. Je soupirai et la regardai avec sérieux et détermination. Il était hors de question qu'elle s'en tire comme ça.

- "Je sais ce que j'ai vu, Rosalie. Toi et Jacob, vous n'avez pas arrêté de vous lancer des regards complices durant toute la soirée. Je sais que tu m'as menti la semaine dernière, lorsque tu m'as dit qu'ils n'avaient rien à voir avec les Cullen. Ils les connaissent, j'en suis persuadée." Rosalie me jaugea avec un regard alarmé. Je décidai de profiter de son moment de faiblesse et de continuer mon attaque. "Quand Jacob est venu me voir la dernière fois, il m'a demandé comment tu allais et si tu m'avais dit quelque chose de particulier. Il m'a raconté une vieille excuse comme quoi il s'inquiétait de savoir si t'avais passé un bon weekend, mais je sais qu'il voulait seulement savoir si tu ne m'avais pas dit quelque chose de compromettant. Alors je veux que tu me dises la vérité. Ils ont un rapport avec les Cullen, c'est pour ça qu'ils n'ont pas l'air de les porter dans leur cœur."

Elle avait une lueur d'hésitation dans ses yeux. Telle que je la connaissais, elle devait sans doute peser le pour et le contre. Après tout elle se retrouvait face à un véritable dilemme, je ne sais pas comment je réagirais si c'était elle qui m'ordonnait de dévoiler le secret d'Edward. Heureusement qu'elle ignorait que j'étais dans la confidence.

- "Je n'ai pas le droit, Bella. Les indiens de la Push sont mes amis, il est hors de question que je les trahisse. Je suis désolée."

- "Mais tu m'avais pourtant dit que tu ne me cachais rien!" M'emportais-je. "Que tu ne me mentirais jamais!" Rosalie affichait une mine désolée et torturée.

- "Mais ils m'ont fait promettre de ne rien dire…" Murmura-t-elle.

- "Je t'en supplie, Rose." Implorais-je. "Ils ne sauront pas que tu m'as dit quoi que ce soit. Je ferais comme si de rien n'était." Rosalie secoua la tête avec scepticisme.

- "C'est impossible. Tu ne pourras jamais faire comme si tu ignorais tout."

- "Je ne les vois jamais. Ils ne me connaissent même pas." Tentais-je avec espoir.

- "Bella…" Hésita-t-elle.

- "S'il te plait, Rose. Tu as vu les regards que Jacob et Edward se sont lancés tout à l'heure? Je suis certaine que tu sais pourquoi ils sont si hostiles, l'un envers l'autre. Je le sais. Alors dis le moi."

- "Je ne sais pas, Bella." Dit-elle avec chagrin. "Tu vois, les Quileutes ne sont pas comme nous. Ils ne sont pas normaux."

- "Ils ne sont pas humains?" Demandais-je avec facilité. Maintenant que je savais qu'il existe des vampires sur notre planète, je ne suis plus du tout étonnée par tout ce qui relève du monde du surnaturel. Je pourrais croiser un dragon dans la rue que ça ne me surprendrait même pas. Aussi admettre l'hypothèse que les vampires ne sont pas les seules créatures sur Terre ne me semble pas inconcevable.

- "Si, ils le sont." Répondit-elle avec franchise. "Simplement, ils ne sont pas des humains comme toi et moi. Ils ont une particularité."

- "Et je suppose que tu ne veux pas me dire de quoi relève cette particularité."

- "Ce n'est pas dans mes cordes. Je suis désolée." Trancha-t-elle tristement.

- "Est-ce qu'ils…" J'hésitais. Je ne savais strictement rien des Quileutes alors je m'avançais en terrain miné. "Est-ce qu'ils sont ennemis avec les Cullen?" Rosalie semblait hésiter. "Je t'en prie." Tentais-je. "Tu peux au moins me révéler ça."

- "Je crois." Finit-elle par répondre. "Je ne sais pas trop. Ils devraient l'être, mais Jacob m'a parlé d'un traité qu'ils avaient fait avec eux."

- "Un traité?" M'étonnais-je. Apparemment je n'étais pas au courant de tout à propos de mes vampires. Rosalie hocha la tête.

- "Les Cullen doivent s'engager à ne pas mettre les pieds sur le territoire des Quileutes. En échange, ils les laissaient tranquilles." Je faillis rire à cette menace. Qu'est-ce que ces petits indiens pouvaient bien faire contre des vampires comme Emmett, Edward, ou encore Alice qui voit le futur?

- "C'est complètement absurde. Pourquoi les menacent-ils? Ou pire, pourquoi est-ce que les Cullen se laissent faire?" Rosalie émit un rictus amusé.

- "Peut être que tes nouveaux amis ont peur d'eux." Dit-elle avec moquerie. Je m'esclaffai.

- "Qui aurait peur de ces mômes de la réserve?" Je repris mon sérieux lorsque je vis le sourire triomphal qu'arborait Rosalie. Apparemment, ils ne sont pas que des simples humains. Peut être que les Cullen ont raison d'avoir peur…

- "Tu pourrais être surprise." Je fronçai les sourcils.

- "Dis-le moi Rose. Tu n'as pas le droit de me dire ça et de faire mine de te taire après. On est meilleures amies depuis des années. Et puis ce n'est pas comme si je leur parlais. Je veux juste comprendre."

Rosalie me regarda longuement avant de soupirer de défaite et de répondre avec honnêteté.

- "D'accord. Mais tu dois me jurer de n'en parler à personne. Et ne dis pas aux Quileutes que tu es courant." J'affichais un sourire de triomphe.

- "Je te l'ai déjà dit. Je ne les fréquente jamais. Il ne sont même pas au courant que j'existe." Rosalie rit faiblement.

- "Très bien. Mais surtout ne panique pas. Et sache que tout ce que je vais te dire n'est pas une plaisanterie." Je lui souris avec encouragement.

- "Je ne paniquerai pas." Rosalie soupira avant de se lancer.

- "Les Quileutes sont des loups garous." Annonça-t-elle rapidement, comme si tout était parfaitement normal.

Je restais là, immobile, à la regarder avec des yeux ronds. Des loups? C'était quoi ce nouveau délire? Je ne pouvais même pas formuler quoi que ce soit de cohérent. Mon cerveau était déconnecté. Pas de la même façon qu'il ne l'est lorsque je me retrouve à proximité d'Edward, mais parce que j'étais choquée. Si je n'avais pas appris l'existence des vampires quelques jours avant, j'aurai explosé d'un rire gargantuesque.

Là, j'étais seulement choquée. Choquée parce que je n'avais aucun doute quant à la véracité des propose de Rosalie. Je savais qu'elle disait la vérité et c'est pour cette raison que j'étais incapable de réagir. Il fallait que je me mette à présent dans la tête que les indiens de la Push sont des loups garous. La bonne affaire!

- "Bella? Tu vas bien?" Demanda Rose an voyant mon état statufié. Je secouai la tête avec une incrédulité sans pareille.

- "Excuse-moi d'être momentanément hors service, le temps que j'assimile ce que tu viens de m'annoncer." Déclarais-je avec ironie.

- "C'est loin d'être une blague." Ne put-elle s'empêcher de préciser. "Je l'ai vu." M'informa-t-elle. "J'ai vu Jacob se transformer en loup de mes propres yeux. C'était absolument incroyable. Je n'avais jamais rien vu de tel, rien qui ne soit aussi surprenant de toute ma vie."

Je hochai la tête mais ne pouvais m'empêcher de ne pas être d'accord avec elle. J'étais certaine que voir quelqu'un se transformer en loup garou était quelque chose de surprenant. Même très surprenant et incroyable. Mais j'avais déjà vu quelque chose de plus surprenant. De plus incroyable et bouleversant. Rien que de repenser à la façon dont Edward a brillé au soleil, me donnait des frissons à l'intérieur de mon être. Ce moment où je l'avais vu scintiller de mille feux était le spectacle le plus magique et le plus extraordinaire qui soit. Et je suis absolument sure que même un loup garou ne pouvait pas rivaliser avec ça. Voir Jacob se transformer, comme Rosalie vient de me dire, m'aurait sans aucun doute prise au dépourvu et m'aurait bouleversé. Mais jamais autant que d'avoir vu mon petit ami avec des diamants sur la peau.

- "Et comment ça se fait?" Demandais-je après avoir enfin retrouvé l'usage de la parole. Rosalie releva un sourcil interrogateur. "Comment se fait-il qu'ils soient des… Loups?" Clarifiais-je. Elle haussa les épaules.

- "Apparemment c'est dans leurs gènes. Leurs ancêtres en étaient. A présent c'est leur tour."

- "C'est dingue… Des loups garous? Je ne savais pas que ça pouvait exister." M'exclamais-je. "Comment ils sont?"

- "Énormes." Répondit mon amie. "De quoi faire la peur de ta vie."

- "Tu m'étonnes. Est-ce qu'ils sont méchants?" Rosalie hésita.

- "Pas du tout. Mais il arrive qu'ils puissent perdre leur sang froid lorsqu'ils sont sous leur forme humaine. Ils sont facilement irritables." Je hochai la tête, fascinée.

- "Et ils se transforment comment? Les soirs de pleine lune?" Rosalie rit doucement.

- "Non idiote. Ils se transforment à volonté. Mais ils m'ont dit qu'il existait de véritables loups garous qui se transformaient à la pleine lune."

- "Parce que eux, ce ne sont pas des vrais?" M'étonnais-je, dubitative. Elle secoua la tête.

- "Pas exactement. C'est compliqué, je n'ai rien compris lorsque que Jake m'a expliqué. Tout ce que je sais, c'est qu'ils peuvent se transformer quand ils veulent et qu'ils ont pour mission de protéger leur territoire."

- "Et tu dis qu'ils sont sensés être les ennemis des Cullen, mais qu'ils ont conclu un pacte. C'est bien ça?" Elle hocha la tête.

- "Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi." Avoua-t-elle. "Je veux dire, les braqueurs de la banque, ils sont comme eux et pourtant, les Quileutes n'ont conclu aucun traité avec eux. Alors pourquoi en faire un avec les Cullen?"

Je haussai les épaules et fis semblant de faire comme si je n'en avais aucune idée. J'avais ma petite idée sur la question mais je ne pouvais la soumettre à Rosalie sans lui démontrer que j'étais au courant de leur nature. Pour moi, il ne fait aucun doute que les Cullen sont inoffensifs. Ou du moins, ils s'évertuent à l'être. Je redemanderai à Edward ou à Alice mais je suis persuadée que ça a un rapport avec leur régime alimentaire, ou plutôt leur régime sanguinaire.

- "Peut être que c'est parce qu'ils ne sont pas aussi dangereux que tu ne le penses." Proposais-je avec un petit rictus amusé. Elle leva les yeux au ciel.

- "Tu n'arriveras pas à me faire changer d'avis, Bella." Déclara-t-elle avec fermeté.

- "Toi non plus, Rosalie." Répondis-je sur un air de défi. Cela sembla l'exaspérer.

- "C'est parce que tu ignores tout. Mais figure-toi que j'ai appris quelque chose de nouveau sur eux. Ils sont immortels. Tu entends ça? Immortels!"

J'ouvris la bouche de surprise. Non pas à cause de ce qu'elle venait de me dire, vu que j'étais déjà au courant, mais parce que je me demandais comment elle avait pu savoir ça.

- "Comment sais-tu ça?" Demandais-je sans assurance.

- "Jacob m'a dit que c'était avec son ancêtre qu'ils avaient fait ce marché. Comme tu as pu le voir, ils ne sont pas vraiment ridés." Je secouai la tête d'incrédulité. Apparemment les recherches de Rosalie avançaient à grands pas. Beaucoup trop à mon goût. Il fallait que je trouve un moyen de l'arrêter et vite. Emmett m'a dit qu'elle risquait gros en continuant son obsession. Il est hors de question que Rosalie se mette en danger. D'ailleurs, il faudra que je pense à demander pourquoi… Pas sûr qu'Edward accepte de m'en parler.

- "A quoi tu penses?" Demanda mon amie avec curiosité. Je décidais de mentir au mieux.

- "Euh… J'étais simplement étonnée de cette… Nouvelle. C'est plutôt incroyable." Balbutiais-je. Rosalie sourit de contentement.

- "Je ne te le ferais pas dire. Éternellement jeunes…" Murmura-t-elle. "Non mais tu te rends compte? Heureusement que je suis là pour te le dire, sinon tu n'aurais jamais su que ton chéri ne vieillissait pas." Je souriais maladroitement.

- "Ah oui, c'est vrai que je l'ignorais. Ça aurait été embêtant de ne pas le savoir. Merci de m'avoir informé."

- "Pas de quoi." Répondit-elle en riant. "J'espère que ça, ça t'aura au moins fait réfléchir." Je me braquai soudainement.

- "Réfléchir à quoi?" Demandais-je sur la défensive.

- "Au fait de les fréquenter." Répondit-elle comme si cela était évident. Je commençais à m'énerver. Je n'aimais pas du tout la direction que prenait la conversation. Si elle voulait jouer à ce petit jeu, ce serait sans moi.

- "Tu penses encore à vouloir me tenir écartée d'eux?" Accusais-je.

- "Et pourquoi crois-tu que je m'acharne à les démasquer, hein?" Demanda-t-elle.

- "Je n'en sais rien. Pour assouvir ta curiosité?" Devinais-je avec lassitude.

- "Mais enfin Bella!" S'emporta-t-elle. "Ne te rends-tu point compte que je ne fais ça uniquement que dans ton propre intérêt? Afin de te faire ouvrir les yeux sur ces monstres?"

- "Ne parle pas d'eux comme ça!" M'écriais-je.

- "Je parle d'eux comme je le désire." Rétorqua-t-elle.

- "Alors toute cette obsession qui t'habite depuis tout ce temps, c'est dans le but de me faire changer d'avis?" Elle baissa les yeux.

- "Je pensais que tu l'avais compris." Dit-elle tout bas.

- "Soyons claires, Rosalie." Dis-je avec résolution. "Ce n'est pas en m'annonçant ce genre de choses que je vais prendre mes jambes à mon cou. Tu peux me dire absolument tout ce que tu souhaites, ça ne changera jamais l'estime que j'ai pour Edward, ni celle que j'ai pour Alice ou encore Emmett."

- "Emmett?" S'étonna-t-elle. "Alors t'es amie avec lui aussi?" Je la regardai gênée.

- "Ça t'embête?" Demandais-je avec appréhension. Elle renifla dédaigneusement et répondit avec froideur.

- "Pas du tout. Si tu traînes avec les autres, pourquoi pas lui?" Je fronçai les sourcils. Le fait que je parle avec Emmett n'avait pas l'air de la laisser si indifférente que ça.

- "Il n'empêche que tu n'arriveras pas à m'éloigner d'eux. Ce sont vraiment des gens biens, Rose. Et tu t'en rendrais compte si tu ne passais pas tout ton temps à vouloir chercher de la méchanceté partout, surtout chez quelqu'un qui t'a sauvé la vie." Rosalie détourna le regard. Elle détestait avoir tort. Elle était bien trop fière pour admettre que j'avais dit quelque chose de juste.

- "Tu dis ça parce que tu ne sais rien d'eux." Répondit-elle. "Tu ignores tout. Si tu savais ce qu'ils sont réellement, tu ne réagirais pas de cette manière, aussi désinvolte et déterminée."

Je soupirais pour essayer de calmer mes nerfs qui n'allaient pas tarder à lâcher. Je ne pouvais décemment pas lui avouer que j'étais déjà au courant de ce qu'ils étaient, bien que l'idée me démangeait. Mais je ne pouvais pas non plus la laisser dans cette optique et ne pas défendre les personnes à qui je tenais. De plus, j'avais horreur qu'on dise à ma place la façon dont je dois me comporter et réagir.

- "Et toi, tu le sais?" Demandais-je avec une lueur de provocation dans les yeux. Elle secoua la tête négativement.

- "Bien sûr que non, mais je ne vais pas tarder à le découvrir." Dit-elle avec solennité.

- "Alors pourquoi persistes-tu à croire qu'ils sont mauvais, alors que tu ne sais toujours rien d'eux? Je commence à en avoir marre d'avoir à chaque fois la même conversation avec toi. Tu ne peux pas imaginer l'espace d'une seconde que tu puisses te tromper à leur sujet?"

- "Et toi que tu te voiles la face et que tu fais erreur en les côtoyant?" Je grognai sous le coup de l'énervement.

- "On n'arrivera à rien de cette façon." Dis-je. "Il vaut mieux qu'on en reste là."

- "Tu as raison. Changeons de sujet. Comment se sont passées tes retrouvailles avec lui?" J'éclatai de rire.

- "Je croyais que tu voulais changer de sujet."

- "C'est le cas." Se défendit-elle. "J'essaie juste de faire abstraction de ce que je pense." Je souris. C'était un bon début si elle se décidait à faire des efforts. Je pourrais peut être en faire, moi aussi, si j'essayais de ne pas partir au quart de tour chaque fois qu'elle exprime son opinion.

- "Courtes." Répondis-je. "Il est vraiment passé en coup de vent."

- "Ça, je m'en suis rendue compte. Ça n'a pas dû te satisfaire vu comment tu mourrais d'envie de le revoir. A croire que tu ne l'avais pas vu depuis des mois." Ironisa-t-elle.

- "Que veux-tu? Il me manque. J'ignore pourquoi je réagis de façon aussi excessive."

- "Tu veux rire?" S'exclama-t-elle. "Excessif est un euphémisme. C'est dix fois pire. J'avais l'impression d'avoir à faire à une vraie loque, une perdue, une malheureuse."

- "Oui bon ça va. Je crois que j'ai compris." M'énervais-je. "Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai constamment envie de le voir. J'ai l'impression de ne plus tourner rond en ce moment."

- "Ça c'est sûr, tu ne tournes pas rond." Approuva Rosalie. "Mais bon, j'imagine que c'est comme ça quand on est amoureux."

- "Tu crois que je suis amoureuse?" Demandais-je curieuse. "Vraiment amoureuse?" Rosalie soupira de façon théâtrale pour exprimer son exaspération et s'essuya les yeux.

- "Tu me poses vraiment la question? Bella, t'es complètement mordue. Il faudrait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte." Je me renfrognai. C'est vrai que je l'étais, mordue. Mordue d'un vampire. Quelle situation ironique.

- "T'as raison. C'était une question idiote." Répondis-je avec embarras, tandis que mes joues prenaient une teinte rosée.

- "Et de quoi est-ce que vous avez parlé?" S'enquit-elle. "Sans indiscrétion, bien sûr." Précisa-t-elle.

C'est à ce moment là que je repensai à notre conversation. Merde. J'avais complètement oublié ce à quoi nous nous étions mis d'accord. C'est-à-dire, moi qui doit aller chez lui dimanche, rencontrer le reste de sa famille. Il n'en reste pas beaucoup. Seulement deux personnes.

Le premier, Jasper, ne me dérange pas spécialement, au contraire. J'ai l'impression de le connaître déjà grâce aux longs monologues d'Alice sur son beau mari. C'est le second qui m'effraie.

Carlisle.

La dernière fois que je lui avais parlé, je l'avais traité de monstre tout droit sorti des Enfers, cruel, fait pour détruire des vies. Il était impossible que je puisse me retrouver dans la même pièce que lui après ça. De plus, il était hors de question qu'Edward apprenne quoi que ce soit là-dessus. Comment allais-je réagir face à cet ancien démon? Allais-je pouvoir faire comme si de rien n'était? Comme s'il ne s'était jamais rien passé?

Impossible. Incapable.

J'avais vraiment fait une énorme boulette en acceptant. Pourquoi avais-je dit oui? Je m'étais jurée de ne plus jamais le revoir. J'avais déjà transgressé cette résolution une fois, lorsque j'étais dans la boutique d'Esmée. Et maintenant j'allais la transgresser une nouvelle fois. Sauf que cette fois, ce serait bien pire puisque je l'aurai face à moi. Je le regarderai. Je lui parlerai…

Mon dimanche allait être un véritable cauchemar.

- "Bella? Qu'est-ce qui t'arrive? T'es complètement à l'ouest." M'interrompit Rosalie. Je secouai la tête pour me ramener au moment présent.

- "Excuse-moi. Je viens de me rappeler de ce que je venais de faire." Elle fronça les sourcils.

- "Ce que tu viens de faire?" S'étonna-t-elle. "Et qu'as-tu fais, au juste?"

- "J'ai commis l'irréparable." Avouais-je en baissant la tête.

- "Tu peux préciser?" Demanda-t-elle.

- "Il m'a invité à venir chez lui dimanche. Et j'ai accepté." Rosalie avait le front plissé, dû à l'incompréhension.

- "Bon et alors? Tu les connais déjà tous, alors je ne vois pas du tout où est le prob…" Elle s'arrêta, se rendant compte de ce que cela impliquait. "Oh merde…" Gémit-elle. "Comment… Comment est-ce que tu vas faire?" Balbutia-t-elle avec inquiétude. Je haussai les épaules.

- "Je l'ignore. Je ne sais pas du tout ce que cela va donner. Je ne sais même pas si je suis capable de l'affronter."

- "Mais pourquoi as-tu dis oui? Tu ne pouvais pas simplement lui balancer une piètre excuse? Pourquoi tu ne lui as pas dit non, si tu savais ce que tu allais devoir endurer?"

- "Parce qu'il m'aurait demandé pourquoi je refuse." Murmurais-je d'une tout petite voix, les larmes commençant à surgir à la surface.

- "Et alors? Tu lui aurais dit la vérité. Après tout, tu lui as déjà dit pas mal de trucs, non?" Objecta-t-elle avec un regard sévère. J'ignore toujours d'où lui venait cette hostilité qui est apparue lorsque je lui avais raconté que je m'étais confiée à Edward.

- "Je ne vais pas lui dire ce qu'il s'est passé avec son père, tout de même!" M'emportais-je au bord des larmes.

- "Pourquoi pas?" Demanda Rosalie perdue.

- "Parce qu'il me quitterait." Annonçais-je d'une voix faible, étouffée par les sanglots qui venaient d'apparaître. Rien que de penser à cette hypothèse me faisait douloureusement mal. "Je ne veux pas qu'il me laisse tomber."

Rosalie me regardait avec un semblant de pitié. Pas de la pitié mauvaise et dégradante, non. Mais de la pitié qu'on éprouve lorsqu'on a mal pour quelqu'un.

- "Je ne pense pas qu'il te quittera." Dit-elle, probablement pour essayer de me remonter le moral. Je secouai la tête pour exprimer mon désaccord.

- "Il le fera." Répondis-je sanglotante. "Le jour où il apprendra ce que j'ai fait à son père, il ne pourra plus me regarder dans les yeux. Il me détestera, me haïra. Je sais que ça parait égoïste mais je veux le garder auprès de moi le plus longtemps possible." Rosalie se redressa d'un bond et m'accorda un regard énervé.

- "Alors maintenant, tu te positionnes en coupable?" Demanda-t-elle avec ahurissement. "Depuis quand est-il la victime?"

Je baissai les yeux, incapable de répondre. Je n'y avais jamais vraiment réfléchi jusque là, mais en l'entendant parler, je me rendis compte que petit à petit, mon point de vue était en train de changer. Il évoluait.

- "Je ne te reconnais plus, Bella." Déclara Rosalie tristement. "La personne que je connaissais était tellement révoltée et en colère contre lui qu'elle n'osait même pas prononcer, ni penser son nom. Tu lui en voulais et tu avais parfaitement raison. Là, on dirait que tu as peur de ce qu'il pourra penser. On dirait que tu t'en veux de t'être conduite de la sorte avec lui. Hors, tu n'as pas à t'en vouloir. C'est lui le fautif. Tu étais la victime et tu avais parfaitement le droit de vouloir te venger en lui collant un procès aux fesses."

- "Mais j'y suis tout de même allée un peu fort, tu ne penses pas? Il voulait seulement me sauver la vie et moi, j'ai voulu le mettre en prison!"

Rosalie resta figée et incapable de prononcer le moindre mot. Apparemment, elle n'aimait pas du tout ma nouvelle façon de voir les choses. Elle n'était pas la seule à être immobile. J'étais également statufiée, liquéfiée en me rendant compte de ce que je venais de dire. Moi qui avait pensé durant toutes ces années tellement de mal et qui avait éprouvé tellement de haine envers lui, voila que je le défendais et que je me sentais coupable. Comment avais-je pu en arriver là? Que m'arrivait-il pour que je sois dans cette optique? Où était passée ma rage envers lui?

- "Tu me déçois beaucoup, Bella." Déclara-t-elle avec dureté. Je ne pus qu'être d'accord avec ses propos. Moi aussi, je me décevais.

- "Je sais que tu penses que je ne devrais pas changer de point de vue, et je le pense aussi. Seulement je réalise que… La colère ne sert à rien. Ça fait cinq ans Rose. Il est temps que je me débarrasse de toute cette haine, tu ne crois pas?" Mes sanglots s'étaient déjà estompés depuis quelques minutes.

- "Pas celle que tu éprouves envers lui." Contra-t-elle. "Il t'a fait du mal. Si ça avait été moi, à ta place, je l'aurais assassiné. Et je suis sérieuse. Je l'aurais vraiment tué."

Je ne répondis pas, méditant sur ses paroles. Bien sûr que j'avais déjà éprouvé l'envie de l'abattre un bon nombre incalculable de fois. Mais j'avais toujours été faible. J'ai toujours manqué de courage. Rosalie en revanche, je n'ai aucun doute quant au fais qu'elle l'aurait vraiment assassiné. Enfin, si on enlève le coté vampirique, bien évidemment. Car aujourd'hui, je sais désormais que si je n'avais pas manqué de courage, j'aurais vraiment raté mon coup, de toute évidence. Tuer un vampire. Je ne sais même pas si c'est possible.

- "Je sais que tu l'aurais fait." Dis-je avec aplomb. "Mais c'est également parce que tu aurais été beaucoup plus touchée et atteinte que moi. Tu rêves de fonder une famille, Rosalie. Avoir un enfant est ton souhait le plus cher. Tu donnerais tout pour tomber enceinte. Moi, je n'avais rien demandé. Je n'ai jamais été maternelle et je n'avais jamais vraiment songé à en avoir. Je ne savais même pas si j'en voulais avant de tomber enceinte."

- "Mais tu as quand même tenu à le garder. Tu le voulais, ce bébé."

- "Oui, je le voulais. Parce qu'à la dernière minute, mon instinct maternel s'est soudainement réveillé et que je n'aspirais plus qu'à ça. Mais peut être que j'avais tort de vouloir à ce point le garder." Je vis les yeux de Rosalie sortir tout d'un coup de leurs orbites. Sans m'en rendre compte, je venais de dire le pire des blasphèmes, pour elle. Je me mordis la lèvre violemment et tenta d'afficher un air coupable. "Désolée, ce n'est pas ce que je voulais dire…"

- "Comment oses-tu regretter d'avoir voulu le garder?" S'écria-t-elle. "Tu imagines à quel point j'aurais rêvé être à ta place? Hormis le coté dramatique de l'accident, du salopard de Tyler et de ce connard de médecin."

- "Justement!" Appuyais-je. "Parlons-en de Tyler. Quelle vie aurais-je donné à mon enfant avec un père pareil? Honnêtement, comment aurait-il vécu, avec une mère lycéenne, habitant chez son père et un père dénigrant, hein?" Elle baissa les yeux, méditant sur mes paroles. "Tu ne crois pas qu'un bébé, ça doit se faire avec quelqu'un qu'on aime? Avec qui on souhaite passer sa vie, lorsqu'on est adulte, responsable, organisé et surtout, lorsqu'on est deux?"

Rosalie demeura longuement silencieuse, pensive. J'attendis avec appréhension ce qui allait sortir de sa bouche.

- "Quand bien même, tu aies raison sur ce point, je reste persuadée que tu avais fait le bon choix en te défendant et en gardant ce bébé. Un enfant, c'est un don de la nature, c'est le plus beau trésor qu'on puisse avoir. Si tu avais choisi d'avorter, tu aurais commis, ce qui à mon sens est le plus grand crime de l'humanité."

- "Je te trouve véritablement excessive, tout de même. Le plus grand crime contre l'humanité est le génocide des Nazis contre les Juifs." L'informais-je. "Un avortement fait piètre allure devant la comparaison."

- "Tu veux bien éviter ton sarcasme?" Demanda-t-elle ennuyée. "Je ne te parle pas de crimes historiques, ni de batailles ou quoi que ce soit d'autre. Je te parle simplement de ce que je pense moi. Pour moi, se faire avorter, c'est détruire une vie qui se trouve en toi, dans ton ventre. C'est monstrueux de commettre un tel acte. Des milliers de femmes rêvent d'avoir des enfants. Celles qui ont la chance d'en avoir ne devraient pas jeter tout ça à la poubelle."

- "D'accord, j'ai compris." Dis-je, presque énervée. "Toujours est-il qu'en y réfléchissant de près, je pense que je ne lui aurais pas offert une belle vie harmonieuse."

- "Mais une vie quand même." Répondit-elle. Je soupirai d'agacement.

- "Tu as raison. Pour ce qui est de Carlisle, je me demande vraiment si je ne me suis pas mal conduite. Je crois que j'ai été aveuglée par la douleur." Elle secoua la tête d'incrédulité.

- "Je n'arrive pas à croire que tu aies changé d'opinion comme ça. Tu étais peut être aveuglée par la douleur en ce temps là, mais aujourd'hui c'est l'amour qui t'aveugle. Tout tourne autour de ton Edward Cullen. Tu penses à Carlisle comme un beau père dont il faut être apprécié."

- "C'est complètement faux!" Ripostais-je.

- "Alors pourquoi te mets-tu soudainement à regretter tes actes? C'est lui qui devrait regretter les siens, pas toi!"

- "Mais peut être qu'il les regrette!" Contrais-je, étonnée de prendre sa défense. Elle se couvrit le visage avec ses mains et appuya ses coudes sur le plan de travail de la cuisine ou nous étions. Je la regardais avec crainte. J'avais vraiment peur d'avoir une fois de plus, franchi un point de non retour pour notre amitié.

- "Ça ne marchera pas." Annonça-t-elle, sans découvrir son visage. "On ne pourra jamais s'entendre. Pas tant que tu te laisseras autant aveuglée par tes sentiments amoureux." Je pris mal cette dernière remarque.

- "Et toi? Tu crois que tu es toute blanche? Tu es tellement aveuglée par ta colère inexplicable envers eux que tu ne te rends même pas compte que toi aussi, tu éprouves des sentiments." Cette dernière phrase eut pour effet de lui faire relever la tête de ses paumes de main et d'afficher un air surpris et désœuvré.

- "Qu'est-ce que tu racontes? Tu disjonctes ou quoi?" S'emporta-t-elle.

- "Dans ce cas pourquoi t'es-tu laissée faire, le jour où il t'a embrassé?" Arguais-je.

- "Je te l'ai déjà dit! J'étais coincée!"

- "Et pourquoi est-ce que tu n'arrêtes pas de parler de lui, aussi méchamment soit-il?"

- "Parce que justement, je ne l'aime pas!" Cria-t-elle.

- "C'est faux." Répondis-je avec calme, chose plutôt étonnante venant de moi. "Si tu prenais un peu de recul histoire d'analyser les choses, tu te rendrais vraiment compte de ce que tu éprouves et tu verrais à quel point tu réagis de façon absurde et excessive."

Rosalie sembla se calmer au fur et à mesure que les secondes défilaient. Puis elle plongea son regard déterminé dans le mien et prit la parole.

- "Faisons un marché." Annonça-t-elle. Je l'écoutai attentivement. "Si j'accepte de voir les choses sous un angle différent et que j'essaie de voir leurs bons cotés, toi en revanche, tu acceptes de voir les choses sous un point de vue impartial, qui n'est pas manipulé par l'amour que tu éprouves pour lui. Qu'en dis-tu?"

Je fis mine de réfléchir. Bien sûr que cela me semblait être un compromis tout à fait honorable, mais j'ignorais si je serai capable de voir les choses en toute impartialité. Les sentiments que j'éprouvais étaient bien trop puissants et présents en moi pour que j'en fasse abstraction. Je savais très bien que mon jugement était faussé à cause de ça.

- "Je veux bien essayer." Finis-je par répondre. "Mais comment compte-tu t'y prendre?"

- "Et bien je vais essayer de leur adresser la parole et d'être aimable, on verra ce qui en ressortira." Je souris. Si elle acceptait de faire ça, elle allait vite se rendre compte de leur bonté. "Et toi, tu acceptes de faire attention et de voir leur coté dangereux. Oh, et j'aimerais également que tu participes à mes recherches. A deux, ça ira beaucoup plus vite."

Je restai pensive. Si seulement je n'étais pas déjà au courant de ce qu'ils étaient… Et qu'est-ce que j'allais faire? L'aider dans ses recherches et lui mentir en lui faisant croire que j'ignorais tout? Je ne pus m'empêcher de me sentir mal. Je leur avais promis que je ne dirai rien à personne. Alice et Emmett me l'avaient souvent rappelé, cette semaine. Ils voyaient que je commençais à me rapprocher considérablement de Rosalie, malgré tous nos désaccords et ils se rendaient compte que j'éprouvais une certaine culpabilité en voyant Rosalie qui continuait de chercher sur Internet et dans toutes sortes de bouquins, alors que moi, je savais déjà la vérité. Mais je ne pouvais pas le lui dire. Cela me rendait malade, mais je n'y pouvais rien.

Connaissant Rosalie, elle flipperait encore plus et m'interdirait carrément de les fréquenter. Alors j'allais devoir mentir. Mentir à ma meilleure amie qui ne m'a jamais rien caché, pas même le secret des Quileutes. Ma meilleure amie qui n'hésiterait pas une seconde à me révéler la nature des Cullen, si elle le savait tandis que moi, je lui mentais. Je me sentais tellement dégoûtante et monstrueuse en cet instant…

- "Ça va être difficile d'avoir une certaine neutralité." Répondis-je, le cœur serré.

- "Tout comme il me sera difficile de te voir avec lui et de lui dire bonjour sans mauvaise réaction de ma part." Répondit-elle, heureuse que j'accepte. Je ne sais même pas ce que j'étais d'ailleurs en train d'accepter.

- "Je crois qu'il faut que j'aille me coucher." Annonçais-je, ne pouvant plus rester dans la même pièce qu'elle avec un tel sentiment de mal être. Je pouvais même pas la regarder dans les yeux.

- "Tu as raison. C'était vraiment une longue discussion éprouvante. Passe une bonne nuit." Dit-elle en se dirigeant vers sa chambre.

- "Rosalie?" Appelais-je à la dernière minute. Elle se retourna et m'observa curieuse.

- "Qu'y a-t-il?" Demanda-t-elle. J'inspirai.

- "Si j'accepte de considérer que les Cullen puissent être dangereux… Tu pourrais peut être accepter de considérer toi aussi, que les Quileutes sont dangereux." Elle ouvrit la bouche d'étonnement.

- "Pourquoi est-ce que tu me dis ça, tout d'un coup?"

- "Ce sont des loups." Répondis-je. "On ne sait jamais."

- "Mais enfin ils sont inoffensifs!" S'énerva-t-elle. "Ce sont mes amis d'enfance. Tu voudrais que je les ignore?" Demanda-t-elle éberluée.

- "Je ne te demande pas de ne pas les voir. Tu peux les fréquenter autant que tu veux. Mais tu as dit toi-même qu'ils étaient facilement irritables. Un accident peut aisément arriver. Je veux simplement que tu me promettes de faire attention. Tout comme je ferai attention, moi aussi." Elle se renfrogna mais déposa les armes.

- "Ça me semble correct." Dit-elle avec difficulté.

Puis elle se détourna.

J'étais devant la fenêtre de ma chambre à méditer sur l'étendue de cette conversation.

Rosalie avait été immensément touchée par le fait que je changeais d'attitude et de sentiments à l'égard du Dr Cullen. Je n'avais jamais pensé de cette manière et moi aussi, j'étais désemparée. Le fait de savoir qu'Edward pouvait avoir un tel contrôle sur ma façon de voir les choses était effrayant. Car au final, c'est bien de lui que ça en référait. C'est à cause de lui que je suis progressivement en train de changer d'opinion. Rosalie a raison, je le voyais désormais comme le père de mon petit ami. Peut être que l'influence qu'Edward a sur moi est néfaste. Ou peut être qu'elle m'est bénéfique. Probablement les deux. Bien que je ne me rende pas compte du coté néfaste. Comment allais-je réagir?

Voila la question que je me pose depuis tout à l'heure. Et ce n'est pas en dormant que ça va s'arranger. Je sentais mes vieux cauchemars se réveiller. J'avais le sentiment que ma nuit serait fortement agitée, que l'afflux des mauvais souvenirs de ma vie allait ressurgir et venir me hanter. Et cela ne tarda pas.

A peine après avoir réussi à plonger dans le sommeil après m'être retournée plusieurs fois, que les murs de l'hôpital s'imposèrent à moi. Je me revoyais crier, me débattre, supplier…

Je revoyais ma toute première tentative de suicide après m'être réveillée dans cette chambre sombre à cause des rideaux tirés où je me suis rendue compte que je venais de perdre une partie de moi. Je le revoyais lui, tentant de m'empêcher de m'étouffer avec un oreiller. Lui, tentant de m'arracher les seringues que j'avais réussi à attraper. Lui, tentant de m'arrêter, tandis que j'essayais d'arracher les fils qui se trouvaient sur moi. Toutes sortes de fils, tels que ceux de ma perfusion…

Et enfin je le revois lui, m'anesthésiant pour ainsi détruire ma vie…


- "Quatre vingt dollars." Annonçais-je au client trentenaire qui se tenait devant moi. Celui-ci s'empressa de payer et je retournai à ma petite routine habituelle, c'est-à-dire l'ennui profond.

Je baillai, faute d'avoir bien dormi. En effet, je m'étais réveillée en sursaut et en larmes, en plein milieu de la nuit. Mes cauchemars étaient de retour. Cela faisait si longtemps que je n'en avais pas eu, je me souvenais à peine du sentiment violent de frayeur et de déstabilisation qui me submerge lorsque je m'éveille, ainsi que des larmes qui coulent lentement et silencieusement sur mon visage. Après ça, impossible de me rendormir, comme j'en ai l'habitude à chaque fois que je fais un mauvais rêve. J'espérais de tout cœur que ça n'allait pas durer, car je n'avais pas la force de m'en remettre. Je savais de qui j'avais besoin à cet instant précis. Malheureusement la seule personne capable de m'apaiser et de me faire sourire n'était pas là. Seigneur, si tu existes, fais apparaître un beau vampire ouvrant la porte…

Quelle ne fût pas ma réaction lorsque je vis un beau vampire entrer dans le magasin. Je faillis m'étouffer et tomber sur les fesses. Soyez béni, Oh Tout Puissant…

Malheureusement c'était trop beau pour qu'il puisse s'agir d'Edward. Mais une jolie et souriante Alice, ce n'était pas mal non plus. Je ne devrais pas être étonnée de la voir ici, étant donné qu'elle venait m'embêter - ou me sauver des griffes de l'ennui - presque tous les jours. Mais je n'arrivais pas à m'en empêcher, à chaque fois que je la voyais franchir la porte, j'étais surprise et ébahie. C'est la même chose avec le gros balourd d'Emmett, d'ailleurs.

Cette fois ci, l'étrangeté venait du fait qu'Alice n'arborait pas son traditionnel sourire plein d'engouement. A la place, elle affichait un air inquiet et compatissant. Je n'eus même pas le temps de dire ouf, qu'elle se précipita sur moi à vitesse respectable et me prit dans ses bras.

- "Oh Bella, je suis tellement désolée!" Fit-elle avec sincérité. Je me reculai pour la contempler avec étonnement.

- "Pourquoi?" M'enquis-je. "Il y a un problème?"

- "J'aurais dû prévoir qu'il allait te demander ça." Dit-elle sur un ton de reproche pour elle-même. "J'étais tellement occupée avec mon mari Jasper, que je ne m'en suis pas rendue compte avant qu'il ne soit trop tard."

- "Oh." Fut tout ce que je pus formuler.

- "Je suis sincèrement désolée. J'aurais dû être plus attentive. Si je l'avais su, je serai venue te voir et tu aurais eu le temps de préparer une excuse valable pour refuser."

- "Arrête ça, Alice." L'interrompis-je. "Tu n'as rien à te reprocher. Et puis ce n'est pas si grave." Tentais-je de me convaincre. "Ce sera juste un mauvais moment à passer."

Je vis son regard inquiet et désolé et je me demandai si ce ne serait pas pire qu'un simple mauvais moment. "Qu'est-ce que tu as vu?" Demandais-je avec appréhension. Elle me regarda avec peine.

- "Ça va mal se passer." Dit-elle simplement. Je compris que j'allais déguster.

- "Qu'est-ce qui va arriver?" Insistais-je pour qu'elle m'en dise plus. "Est-ce que je vais monter sur mes grands chevaux? Je vais l'insulter? Me mettre à pleurer?" Je la voyais secouer la tête à toutes les propositions que j'émettais.

- "Non, rien de tout cela."

- "Alors quoi?" M'impatientais-je. "Alice, je t'en pris. Dis moi ce qui va se passer quand je vais me retrouver face au Dr Cullen." Elle prit une inspiration et avoua.

- "Tu vas t'enfuir." J'écarquillais les yeux. Je ne m'attendais pas du tout à cela.

- "Je vais m'enfuir? Comment ça?"

- "Edward sera en train de te tenir la main, puis Carlisle va arriver et là, tu vas prendre la fuite, laissant tout le monde en plan, complètement choqués." Mon cœur commençait à battre plus vite, et ma respiration s'accélérait à mesure qu'elle parlait. J'étais en train de suffoquer. "Respire Bella." Me dit Alice pour me calmer. Elle plaça une main au milieu de mon dos et mit l'autre sur mon ventre, puis exécutait des cercles apaisants. Je me calmais peu à peu.

- "Comment… C'est impossible… Si je fais ça, il saura que je cache quelque chose et il… Oh mon Dieu Alice!" Paniquais-je. "Il faut… Il faut empêcher ça."

- "C'est impossible, Bella. Le seul moyen serait que tu annules la rencontre."

- "Mais je ne peux pas faire ça! Il se poserait des questions. Et puis c'est le seul moment où je pourrais le voir du weekend. Je ne peux pas…"

- "Pour ce qui est de le voir, ça peut s'arranger." Me coupa-t-elle. "Et puis tu peux toujours trouver une excuse comme quoi tu es malade ou je ne sais quoi."

- "Il saura que je mens." Répondis-je. "Je n'ai jamais su mentir et il lira dans les pensées de ma colocataire ou les tiennes et verra que c'est faux. Et à ce moment là, il se demandera pourquoi j'ai menti pour ne pas venir et je…"

- "D'accord, c'est bon, pas de mensonge." Coupa Alice. "Mais sache que jusque là, j'ai très bien réussi à lui cacher mes pensées. Et Carlisle a toujours bien géré les siennes également."

- "Qu'est-ce que je vais faire?" Suppliais-je. Elle me regarda sérieusement.

- "Tu pourrais peut être considérer l'idée de lui dire la vérité." Je secouai la tête instantanément.

- "Hors de question."

- "Mais pourquoi?" Insista-t-elle. "Tu lui as déjà presque tout dit à propos de toi. Je ne sais pas ce qui s'est passé avec mon père mis à part le fait que tu l'as traîné en justice, et je suis persuadée que tu avais tes raisons pour le faire. Mais si tu racontes tout à Edward, il comprendra et ne t'emmènera pas chez nous."

- "Non, il ne comprendra pas! C'est pour ça que je ne veux pas lui dire. Il va me détester." Je commençais à pleurer. Alice m'enlaça pour me réconforter. Heureusement qu'il n'y avait personne à la boutique. Ça aurait été humiliant.

- "Il ne pourra jamais te détester." Dit-elle sincèrement. "Et puis dans tous les cas, que tu lui dises ou que tu fasses comme si de rien n'était, il le saura. Lorsque tu prendras la fuite, crois moi qu'il n'y aura plus le choix." Je relevai la tête subitement avec un nouvel espoir.

- "Mais bien sûr!" M'écriais-je. "Alice, le seul problème, c'est ma réaction. Mais si j'agis différemment, il n'y aura aucun problème." Alice me regarda avec scepticisme.

- "Bella, si ma vision t'a vu réagir de la sorte, ce n'est pas impudemment. Tu réagiras comme cela."

- "Pas si j'y suis préparée." Contrais-je. "Peut être que tu as déjà changé le futur en venant m'en parler. Si ça se trouve, maintenant que je sais que j'aurais pris la fuite, je peux me préparer à l'avance et me rappeler constamment de ne pas décamper."

- "Bella…" Protesta Alice avec inquiétude. "Tu n'as pas revu mon père depuis. Tu ne peux pas décider de la réaction que tu peux avoir, même en sachant à l'avance comment tu réagiras. Pour un autre cas de figure, sans doute, ça marcherait… Mais dans ce cas précis… Tu ne pourras pas contrôler ta réaction."

- "Mais je dois essayer." Protestais-je. "C'est le seul moyen."

- "Tu me fais peur, Bella." Avoua Alice craintive.

- "Ne t'inquiète pas pour moi. Tout va très bien se passer." Dis-je en m'essuyant les yeux. Je lui fis un maigre sourire pour lui montrer que ça allait, ce à quoi elle me répondit de la même manière. "Au fait…" Dis-je pour changer de sujet. "Tu ne m'avais pas dit que les Quileutes étaient des loups." Elle fronça les sourcils de façon adorable.

- "Qui t'a parlé de ça?"

- "Rosalie ma colocataire. Elle a passé le weekend dernier chez eux et elle a tout découvert en voyant l'un de ses amis se transformer."

- "Ça a dû lui faire un choc." Sourit Alice.

- "Je n'imagine même pas." Soupirais-je.

- "Évite de rester près d'eux. Ils sont instables." Je hochai la tête.

- "Je ne comptais pas les fréquenter, de toute façon." Elle opina.

- "Nous avons fait un pacte avec eux." Avoua-t-elle.

- "Oui, je suis au courant. Chacun sur son territoire, c'est bien ça?"

- "C'est exact. Étant donné que nous ne chassons pas les humains, nous ne sommes pas supposés représenter une quelconque menace. C'est pour ça qu'ils ne nous attaquent pas."

- "Mais les vampires comme les trois qui ont braqués la banque, ils les attaquent?" Devinais-je.

- "Assurément. Ils tuent tous les vampires qui s'octroient une balade sur le territoire d'Olympic."

- "Et j'ai remarqué qu'ils puaient." Dis-je en souriant. Alice éclata de rire.

- "Seulement pour nous."

- "C'est juste que j'ai entendu Edward et Emmett se plaindre alors…"

- "Tu comprendrais pourquoi ils réagissent comme ça si t'étais un vampire." Plaisanta-t-elle. "Ces chiens sentent vraiment mauvais." Je tentai un maigre sourire. Alice avait dit ça sur le ton de la plaisanterie, mais je ne pus m'empêcher de me demander si cela se ferait un jour. Je n'y avais jamais pensé pour le moment et je n'étais pas certaine de vouloir y accorder de l'importance. Alors je tentai d'oublier cette réflexion.

- "Je te remercie d'être venue me voir, Alice." Elle me prit une nouvelle fois dans ses bras et me relâcha.

- "Ce fût un plaisir. J'espère sincèrement que ton plan va marcher."

- "Je l'espère aussi." Murmurais-je.

- "Oh, et je dirai à Edward que sa belle se languit." Dit-elle en me faisant un clin d'œil. Comme un automatisme, mes joues prirent feu et je me retrouvai embarrassée. Alice sortit du magasin et ma journée se déroula sans amusement.

Chaque minute qui passait me rapprochait du moment où je me retrouverai face à lui. Alice m'a vu prendre mes jambes à mon cou. Je ne pouvais pas me permettre d'agir aussi sottement. Je reverrai Carlisle et je ferai comme si rien ne s'était jamais produit. Comme si je le rencontrais pour la première fois. C'est beau de rêver…

Je savais pertinemment que je ne pourrai jamais faire semblant d'ignorer les évènements qui se sont produits dans le passé. Autant demander à Mike Newton d'apprendre à compter. Mais il fallait que je tente le diable. C'est tout moi, ça. Affronter le diable, j'ai l'impression que je ne fais que ça. La preuve, je vais me retrouver dans une maison pleine de vampires, mais pas une seule fois je ne pense à en avoir peur.

Où est dont passé mon instinct de survie? Il a dû mettre les voiles lorsque je suis sortie du ventre de ma mère. Parce que je ne me souviens pas avoir une seule fois, fait preuve de prudence durant toute mon existence.

Bella Swan, la pro du danger, meilleure amie de la malchance, princesse de la poisse et reine de la maladresse. Voila mon autoportrait en une courte phrase. Pathétique. J'ai déjà dit à quel point j'étais pathétique? Probablement. Je ne fais que rabâcher ça depuis toujours.

La soirée se déroula sans encombre, tout en silence. Rosalie avait tenu à ne pas me déranger, sachant très bien que je n'avais pas la moindre envie de discutailler. Je voyais son air inquiet, elle savait ce qui allait arriver demain et elle tentait de m'encourager et de m'envoyer des ondes positives comme elle le pouvait. J'étais vraiment contente de m'être réconciliée avec elle. Sa présence et son soutien m'avaient profondément manqué. Malheureusement je savais que cela serait de courte durée. Car le jour où elle apprendrait que je lui aie menti en lui cachant la vérité, elle ne me le pardonnerait jamais. Je devrais tout lui dire, ici et maintenant. Mais je ne le pouvais pas. Quelque chose au fond de moi me retenait, m'en empêchait pour une raison inconnue. Ça me tiraillait de l'intérieur. J'essayais de trouver de bonnes raisons pour expliquer mon mutisme, mais tout ce que j'y voyais, c'était de l'égoïsme.

J'étais égoïste de garder tous ces secrets pour moi, quand elle, ne me cachait rien. Je ne méritais certainement pas son amitié et sa compassion. C'est pour cette raison que je voulais profiter de chaque moment d'amitié avec elle. Car la vérité se sait toujours. Et le jour où elle saura la vérité et qu'elle se rendra compte à quel point j'ai pu être monstrueuse, elle s'en ira et me laissera seule.

J'étais blottie en boule sur mon lit, par-dessus la couette. Je ne pouvais pas me faufiler à l'intérieur de mon lit car j'étais beaucoup trop anxieuse. Je n'avais aucune envie de plonger dans le sommeil, sachant ce qui allait arriver si je m'endormais. J'avais l'impression d'être retournée des années en arrière, lorsque j'avais peur de m'endormir et que je faisais tout pour rester éveillée, pour ne pas avoir à affronter mes cauchemars virulents. J'ignorais pourquoi et aussi combien de temps - ou plutôt combien de nuits - mes cauchemars se manifesteraient, mais une chose est sure, je ne voulais pas revivre l'enfer interminable qui m'a habité durant des années.

Edward.

Il me fallait Edward. Je voulais Edward car j'avais indéniablement besoin de lui. Être aussi indépendante d'une personne ne devrait pas être permis. Je devais sans aucun doute paraître dans un état pitoyable mais qu'importe. Il était le seul à pouvoir m'apaiser, uniquement avec sa présence.

Un cognement à la vitre de ma fenêtre me fit sursauter et je dû me faire violence pour ne pas hurler. Je me redressa subitement de mon lit et fis face à la fenêtre. Je restai ébahie et étonnée.

Comme s'il m'avait entendu, Edward s'était manifesté et se trouvait devant ma fenêtre, attendant que je lui ouvre. J'avais du mal à le distinguer dans la pénombre, mais il portait une chemise et un jean simple qui le rendait irrésistible. Je m'avançais lentement, essayant de réaliser petit à petit ce qui était en train de se passer, en le regardant droit dans les yeux. J'ouvris la fenêtre, sans le quitter du regard et me reculai pour le laisser entrer. Il fit un bond gracieux et tellement rapide que je clignai des yeux.

- "Alice m'a dit et je cite: « Ta belle se languit de toi »." Dit-il avec un sourire en coin qui embrasa mon visage.

Je baissai le regard vers mes pieds nus, les trouvant soudainement très intéressants. Je sentis ses doigts froids relever délicatement mon menton pour que je lève les yeux vers lui. Lorsque j'affrontai son regard, je pus voir une profonde inquiétude déformer ses traits. Il avait les sourcils froncés et semblait étonné.

- "Que t'arrive-t-il, Bella?" Je secouai la tête. Comment pouvait-il savoir que je n'allais pas bien? Je faisais tout pour garder la tête froide, justement. Je secouai la tête doucement, éblouie par la beauté de son visage.

- "Rien du tout. Depuis quand tu passes par la fenêtre de ma chambre?" M'enquis-je en espérant que mon esquive pour ne pas parler de moi ne se fit pas remarquer.

- "C'est la première fois." Répondit-il, sans se départir de son inquiétude. "Bella, dis moi ce tu as."

- "Je te l'ai dit, ce n'est rien."

- "Tu mens très mal." Me fit-il remarquer. "Et tu as pleuré." Je portai mes mains à mes joues.

- "Quoi? Que… Comment…"

- "Pas besoin d'être un vampire pour arriver à percevoir les marques de tes larmes sur ton si beau visage." Dit-il tristement. Je baissais les yeux.

Je ne pouvais pas lui expliquer la raison de mon état. Hey Edward, si je suis dans cet état c'est parce que je dois rencontrer ton père demain et que la dernière fois que je l'ai vu, j'ai voulu le mettre en prison.

Très mauvaise idée.

- "Alice me cache ses pensées depuis tout à l'heure." Reprit-il. "D'ailleurs il y a quelque chose qu'elle me cache depuis un bout de temps, déjà. Parfois je la surprends en train de chanter en Coréen. Tu n'aurais pas une petite idée, par hasard?"

- "Je ne vois pas du tout." Mentis-je en bégayant. Il soupira et regarda ailleurs avant de reposer les yeux sur moi.

- "Je n'aime pas te voir comme ça." Avoua-t-il douloureusement. Cet aveu me décontenança. "Dis-moi ce qui te préoccupe." Ordonna-t-il en ancrant ses yeux dans les miens. Je fondis sur place et sentis mes larmes remonter à la surface, pour je ne sais quelle raison. J'étais émue par ses confidences. Je n'avais tellement pas l'habitude qu'il s'ouvre à moi…

"Bella…" Murmura-t-il. "Te voir pleurer m'est insupportable." Il essuya tendrement les larmes qui perlaient sous mes yeux et je perdis pied.

Sous le coup d'une impulsion, n'y pouvant plus, je me jetais à son cou et m'accrochais à lui comme une perdue. Je me laissais aller en pleurant et il me serra fort en portant une main à l'arrière de ma tête pour me caresser les cheveux, tandis que son autre main était ancrée dans le bas de mon dos. Nous restâmes un moment dans cette position, le temps que je me calme et que je reprenne mes esprits. Je me reculai brièvement, sans relâcher ma prise autour de son cou. Puis je regardai ses ambres iris intensément.

- "Je ne peux pas continuer comme ça." Murmurais-je avec une voix rauque, déformée par les précédents sanglots. Il fronça les sourcils et je crus déceler une certaine peine dans ses yeux.

- "Qu'est-ce que tu ne peux pas continuer?" Demanda-t-il avec une soudaine crainte. J'hésitais une seconde à lui dire. Si je lui répondais, il verrait à quel point je suis éprise de lui et j'en deviendrais vulnérable.

- "Ne pas te voir." Finis-je par avouer d'une toute petite voix. Il parût surprit de ma réponse. "Je ne t'ai pas vu depuis une semaine." Continuais-je. "Tu vas sans doute me trouver folle de réagir de façon aussi excessive… moi-même je me trouve complètement cinglée." Et je le pensais. J'étais folle. Folle de lui, surtout. "Mais durant toute cette semaine où Alice et Emmett venaient me casser les pieds, j'étais malheureuse. Détrompe-toi, je les adore. Sincèrement. Et j'aime beaucoup leur présence. Mais tu sais pourquoi j'étais aussi déprimée et dépressive? Parce que même si j'apprécie leur présence et le fait qu'ils soient là, la seule personne que j'aurais vraiment aimé voir, c'était toi."

Je m'arrêtai quelques secondes, encore ébahie par le fait de m'être ouverte aussi impudemment à lui, sans aucune retenue.

"J'ai passé une semaine atroce à me languir de toi, comme l'a dit Alice, à espérer bêtement que tu viendrais, à attendre vainement de pouvoir enfin te voir à nouveau, te parler, te toucher, t'embrasser… J'ai même envisagé une seconde de prendre des cours de piano. Demande à Alice, elle en a rit à gorge déployée." Je m'octroyai un faible sourire à ce souvenir avant de continuer. "Je ne te demande pas de démissionner où de t'obliger à quoi que ce soit… Mais je ne pourrai pas revivre une semaine comme ça. J'ignore pourquoi je me mets dans cet état au bout de seulement une semaine, mais je n'y peux rien. Donc si tu éprouves assez d'affection à mon égard, que tu as la moindre estime pour moi, alors ne me refais plus endurer ça. Ne me refais pas vivre ça ou alors quitte-moi." Ma voix se brisa. "Mets fin à ce supplice et laisse-moi tomber. Quitte-moi." Finis-je dans un souffle.

Cette dernière possibilité me faisait atrocement souffrir de l'intérieur. Envisager cette possibilité me paraît être la chose la plus difficile que je n'aie jamais eu à faire. Pourtant, lorsque j'eus terminé ma tirade, je me sentais étrangement libérée. C'était comme si un lourd poids avait été ôté de mes épaules. Je ne comprenais vraiment pas ce qui m'arrivait. Je savais que j'étais amoureuse, mais à ce point dépendante de sa présence, cela m'épatait encore. Être éprise à un tel point qu'être avec lui en devenait vital… J'en étais bouleversée.

Durant tout ce temps, Edward avait écouté sans sourciller une seule fois. Il n'avait laissé filtré aucune émotion sur son visage de marbre. J'avais terriblement peur qu'il décide à prendre au mot mes dernières paroles et qu'il me quitte. Je savais que je ne pourrais décemment pas m'en relever. Il porta une main à ma joue et la caressa de sa paume, toujours avec un visage impassible.

Puis soudainement, l'impassibilité de son visage disparût et laissa place à des émotions que je n'arrivais point à déchiffrer. Il avait l'air torturé, mais j'y voyais tout de même de la tendresse et un éclair d'espoir passa dans ses pupilles dorées.

- "J'ignorais que je n'étais pas le seul à avoir éprouvé une telle torture durant toute cette semaine." Je restai incrédule. Le choc devait se lire sur mon visage car il s'octroya un léger sourire amusé qui ne le rendait que plus beau.

J'avais l'impression de rêver. Je ne sais pas ce qui lui arrivait ce soir, mais il semblait vouloir s'ouvrir à moi. J'avais tellement eu l'habitude à ce qu'il ne me confie jamais la moindre chose quant à ses sentiments pour moi, que la moindre parole sur le sujet me transportait dans une euphorie incommensurable. Il fallait que je profite de ce moment de confidences car j'étais sure que le lendemain, il aura à nouveau érigé ce mur qui l'empêche de me dire qu'il éprouve.

- "Alors pour toi aussi, ça a été dur?" Demandais-je doucement. J'espérais que cette question ne franchirait pas les limites de sa capacité à révéler ses sentiments. Il fallait que je fasse extrêmement attention si je ne voulais pas qu'il arrête de se confier.

- "Plus que tu ne le crois." Murmura-t-il faiblement. Même cet aveu avait l'air de lui coûter. "Écoute." Reprit-il avec sérieux. "Il est hors de question que je te laisse tomber. Et je te promets que je ne te ferai pas revivre ça. T'imposer un tel délai entre nos adieux et nos retrouvailles, ce fût invivable à la fois pour toi que pour moi. Je ne perpétuerai pas la même chose." J'avais envie de pleurer tellement ses paroles me touchaient jusqu'au plus profond de mon être. Mon cœur se délectait de ce genre de déclaration. "Et puis…" Continua-t-il. "Si mon travail à Seattle te pose problème, je peux très bien ne pas travailler le samedi." J'écarquillai les yeux.

- "Tu… Tu ne peux pas faire ça." Balbutiais-je. "Tu ne peux pas faire ça uniquement pour satisfaire une pauvre fille timbrée." Il fronça les sourcils.

- "C'est comme ça que tu te vois? Comme une pauvre fille timbrée?" Demanda-t-il incrédule. Il semblait contrarié. Je haussai les épaules.

- "C'est un peu ce à quoi j'ai l'air, tu ne crois pas?"

- "Bella." Dit-il sérieusement. "Je t'interdis de penser une telle chose de toi. Je savais déjà que tu ne te voyais pas très clairement, mais là c'est pire que ce que j'imaginais." Marmonna-t-il pour lui-même. "Et si tu crois que je fais ça uniquement pour toi, tu te trompes. Parce que tu n'es pas la seule à avoir été malheureuse."

- "Alors comment est-ce que tu me vois?" Demandais-je, presque en l'agressant. "Si pour toi, je ne suis pas une pauvre folle, qu'est-ce que je suis? Comment est-ce que tu me vois?" Répétais-je en craignant qu'il ne se renferme sur lui-même. Par bonheur, il resta ouvert.

- "Tu es la personne la plus merveilleuse que je n'aie jamais rencontrée." Déclara-t-il avec assurance. "J'aime quand tu souris, quand tu rougis, quand tu ris, quand tu t'énerves, quand tu prends cet air paniqué sur ton visage, quand tu te mords ta petite lèvre pour une raison que j'ignore totalement. Bella je…" Il se stoppa net en me regardant intensément.

- "Tu quoi, Edward?" Insistais-je avec force. Je commençais à m'emporter. "Dis-moi. Tu quoi?"

Je savais que j'avais franchi la limite du possible, que je dépassais les bornes et que j'étais allée trop loin. Mais ça avait été plus fort que moi, je n'avais pas pu m'empêcher de vouloir le faire parler. Pour la première fois depuis que l'on s'était rencontré, il parlait à cœur ouvert et ne se retenait pas d'exprimer ce qu'il ressentait. Je ne voulais pas qu'il s'arrête, j'ai voulu qu'il aille jusqu'au bout, qu'il me dise ce que je voulais entendre. Il avait failli me le dire. J'en étais certaine.

Mais à présent que je l'avais brusqué, il avait l'air de se refermer à nouveau. Je voyais, en le regardant droit dans les yeux que son mur était réapparu. Il ne dirait plus rien. Il ne se confierait plus car je l'avais trop poussé. Alors dans un dernier espoir, je tentai le tout pour le tout en le poussant une dernière fois à se dévoiler.

- "Tu quoi, Edward?"

Mon regard le suppliait de parler, de me dire ce que je crevais d'envie d'entendre. Je vis une lueur d'hésitation dans son regard mais je ne me voilais pas la face. Je savais qu'il ne parlerait pas. C'est pour ça que j'affichais un air aussi suppliant. Pendant un moment, je crus qu'il allait enfin avouer. Il me fixait intensément, l'air bouleversé et hésitant.

Lorsque sa bouche s'entrouvrit, je crus qu'il le ferait. Je le pensais sincèrement.

Mais au lieu de cela, il m'embrassa soudainement avec une passion revigorante. Ses lèvres se faisaient pressantes sur les miennes, comme s'il cherchait un moyen de s'excuser de ne pas pouvoir me dire ce que je voulais. Je ne voulais pas abandonner. Je ne voulais pas laisser tomber alors que j'avais été si proche… Il essayait d'éluder, de me distraire et il y parvenait très bien. Je luttais pour ne pas rendre les armes.

Au moment où il se mit à caresser mes lèvres avec le bout de sa langue, je perdis et capitulais. Je répondis au baiser avec fièvre, passant mes mains dans ses cheveux désordonnés. J'ouvris la bouche et nos langues se croisèrent, s'entremêlèrent, pour ne plus se lâcher. Nous tombâmes sur mon lit sans que je ne m'en rende compte et je pris conscience d'une chose. Si lui n'était pas prêt à me le dire, moi en revanche je l'étais.

Alors j'allai le faire. J'allai lui dire que je l'aimais. Parce que c'était vrai. J'aimais cet homme, aussi fou que cela puisse paraître étant donné sa nature vampirique et toutes ces choses qui nous tournaient autour. Je l'aimais et j'avais besoin de l'exprimer, peu importe sa réaction.

- "Edward"? Haletais-je en séparant ma bouche de la sienne, et regrettant déjà de l'avoir fait.

- "Oui?" Dit-il en respirant bruyamment. Je le regardai dans le fond des yeux et nos prunelles ne se lâchaient plus. J'ouvris la bouche pour lui dire les deux petits mots qui avaient besoin de sortir, mais à mon plus grand désarroi, aucun son ne se fit entendre.

C'était comme si j'étais figée, incapable de dire le moindre mot. Je voulais le faire, au plus profond de moi, je voulais que ça sorte. Mais je n'y arrivais pas. C'était probablement dû au fait que je savais pertinemment qu'il ne me répondrait pas. En scindant ses prunelles à présent noircies, je prévoyais que sa réaction ne serait pas celle escomptée. Si je le faisais, il se pourrait bien que je ruine tout ce que nous avions réussi à développer. Et je ne pouvais pas me permettre de tout détruire à cause d'une simple phrase, aussi importante pour moi soit-elle.

Je fis donc la même chose que lui quelques minutes auparavant. J'esquivai.

- "Rien… Je… Tu voudrais passer la nuit avec moi?" Soufflais-je encore haletante. Il m'offrit un sourire sincère et entier, puis se pencha pour embrasser mon front tendrement. Il m'entraîna avec lui à vitesse vampirique sur la tête de lit et voulût rabattre la couette sur moi avant que je ne l'en empêche.

- "Je n'en veux pas." Dis-je en la repoussant.

- "Tu es sure?" S'enquit-il avec un sourire en coin. "Je ne suis pas ce qu'on peut appeler un radiateur, tu sais?" Je secouai la tête.

- "Je suis mieux comme ça." Dis-je en entourant son ventre avec l'un de mes bras, et en entremêlant ma jambe avec les siennes. J'avais besoin d'être proche de lui autant que possible. Je fermai les yeux quand il murmura.

- "Bonne nuit, Bella." Je soupirai d'aise et resserrai ma prise autour de lui.

- "Merci." Dis-je simplement.

Non pas pour le bonne nuit, mais pour tout ce qu'il avait déjà fait pour ma petite personne. Il s'était livré à moi cette nuit de façon incroyable. Plus que ce que je n'avais jamais osé espérer. Je savais qu'il ne le referait pas de sitôt, que demain, il redeviendrait le Edward distant et réservé lorsqu'il s'agissait de parler de ses sentiments. Et je ne pouvais m'empêcher de me demander quand est-ce qu'une nouvelle ouverture comme celle-ci se reproduirait…


- "Tu es nerveuse?" Demanda-t-il en me voyant me triturer les mains.

Nous étions dans ma camionnette - j'avais insisté pour la prendre car je n'avais pas voulu qu'Edward me laisse ce matin pour aller chercher sa voiture - et nous roulions en direction de leur villa.

Le réveil s'était fait en douceur. Comparée à la veille, cette nuit fut tout ce qu'il y avait de réparatrice. J'avais sombré dans un sommeil profond et mes rêves avaient été magnifiques. Lorsque j'avais ouvert les yeux, je m'étais rendue compte que je n'avais pas bougé. J'étais toujours blottie contre son torse dur et froid. Étrangement, je n'ai pas eu froid de toute la nuit. Je me sentais si bien avec lui. J'avais envie de rester ainsi pour toujours, sans jamais bouger.

Rosalie ne s'était même pas rendue compte de sa présence. Elle était encore endormie, trop exténuée quand nous sommes partis. J'étais soulagée. De ce fait, Edward n'avait pas pu capter ses pensées. Je commençais sérieusement à jouer avec le feu. Tôt ou tard, il allait découvrir la vérité. Que ce soit en entendant les pensées de Rosalie, d'Alice, ou même de son père. Même si Alice m'avait certifié qu'elle était très douée pour dissimuler ses pensées les plus secrètes et que Carlisle ne laissait jamais rien voir ni transparaître, je savais que mon temps était compté.

- "Non." Mentis-je renfrognée. Ma réaction le fit rire.

- "Ne t'inquiète pas, va. Personne ne te mangera." Plaisanta-t-il. J'aurais sans doute ri dans d'autres circonstances, mais à cet instant, je ne pouvais rien faire d'autre que d'appréhender. Il abandonna toute tentative de communication en voyant que je n'étais pas encline à discuter.

La route fut longue, mais bien trop courte à mon goût. Il empruntait un sentier battu en lisière de la forêt menant à chez lui et je fus étonnée de l'endroit. Ils étaient vraiment isolés de la ville. Lorsqu'il se gara, je découvris la plus immense villa que je n'avais jamais vue. Toute aérée, les vitres sur tous les murs, cette maison était lumineuse.

J'étais tellement émerveillée par l'endroit que je sursautai lorsqu'Edward coupa le moteur bruyant de ma Chevrolet. Cela me ramena au moment présent, à ce qui allait se produire d'ici peu de temps. Je devais me rappeler de ne pas me sauver, de ne pas paniquer, de faire semblant.

- "Tout va bien se passer, Bella." Tenta-t-il de me rassurer. Je hochai la tête avec un faible sourire. Il ne savait même pas pourquoi je réagissais ainsi et je m'en voulais de le laisser croire que c'était par anxiété. Il m'ouvrit la portière et prit ma main en nous dirigeant vers l'entrée de la maison. Mes membres commençaient à trembler. Je sentais mes jambes défaillir. Edward dût sentir ma tension car il me prit la main pour me rassurer. La décharge électrique du contact de sa peau avec la mienne me réchauffait et m'enivrait.

Avant même qu'il n'aie eu le temps de poser une main sur la poignée, la porte s'ouvrit à la volée et nous vîmes une tornade brune et pâle, se diriger sur moi et me serrer avec empressement.

- "Bella!" Cria-t-elle de sa petite voix aiguë et haut perchée. "Je suis tellement contente que tu sois là. Tu sais que hormis ta tante Esmée, tu es la première humaine à pénétrer ici?" M'informa-t-elle.

- "Alice, euh… J'étouffe." Lui dis-je alors qu'elle ne me lâchait toujours pas. Elle s'écarta rapidement avec une mine désolée.

- "Excuse-moi." Me dit-elle avec un sourire que je n'arrivais pas à déchiffrer. Je la regardai et compris son petit manège. Elle essayait de me détendre et de faire comme si de rien n'était. Elle agissait de la manière dont elle aurait agi si la situation n'avait pas été aussi fructueuse.

De plus, peut être qu'en me mettant en confiance, elle m'aiderait à ne pas réitérer les mêmes évènement que ceux de sa vision. Je jetai un coup d'œil à Edward et vis qu'il fronçait les sourcils.

- "Alice, si tu pouvais éviter de penser à ce que toi et Jasper avez fait la nuit dernière, cela m'aiderait amplement." Dit-il avec embarras. Alice se mit à rire de façon cristalline.

- "Pardon Edward." Dit-elle avec une fausse mine innocente. "Mais on ne peut pas contrôler ses pensées." Puis elle se détourna.

- "Quand je te dis que ma sœur est bizarre, ces temps ci…"

- "Moi je la trouve parfaitement normale." Déclarais-je en haussant les épaules, feignant l'innocence au mieux. Il me regarda soupçonneux. Il me reprit la main et m'entraîna à l'intérieur, ce qui fît monter le stress et la panique en moi. Je sentis une soudaine vague de calme me traverser et je me sentis beaucoup plus détendue que tout à l'heure.

- "C'est Jasper que tu devras remercier." Me dit mon compagnon. J'hochai la tête. Il m'aiderait sûrement à me sentir mieux quand arriverait l'heure fatidique…

- "Alors Edward, tu as apporté le casse-croûte?" Entendîmes nous la voix tonitruante et caverneuse d'Emmett. Edward leva les yeux au ciel.

- "Je suis désolée de te décevoir Emmett, mais vu ma petite corpulence, je ne pense pas être à la hauteur de tes attentes." Répondis-je en souriant. "Je ne vaux sûrement pas un bon grizzly irritable." Il éclata de rire, et je jure avoir cru sentir la maison trembler.

- "Ça c'est suûr. Même Martin Lawrence dans Big Mamma ne vaut pas un bon grizzly irritable."

- "Et Eddie Murphy dans Norbit, ça va pas non plus?" Demanda une voix masculine avec un doux timbre que je n'avais entendu qu'une seule fois dans ma vie. Un grand blond que je reconnus aisément comme étant Jasper. Il avait toujours cette démarche assurée et avait toujours ce petit air réservé. Emmett interrompit mon analyse.

- "Faut voir. C'est vrai qu'elle était vraiment énorme, la Raspuccia."

- "Bella, je te présente Jasper." Dit Edward.

- "Oui, on s'est déjà vu le jour où Alice est venue dévaliser la boutique de sa tante." Répondit-il avec un léger sourire, mais avec un air crispé. "Ravi de te revoir, Bella."

- "Moi aussi. Il faut que vous arrêtiez de dévaliser toutes mes boutiques, d'ailleurs." Plaisantais-je.

- "Dis-le à Emmett." Répliqua Edward. "C'est lui qui faisait la liste à chaque fois que je venais."

- "Et Alice alors?" Rétorqua celui-ci. "C'est elle qui n'arrête pas avec toute cette déco inutile."

- "Ma déco n'est pas inutile." Se défendit Alice. "Et heureusement que je suis là pour m'en occuper parce que ce n'est pas quatre hommes comme vous qui le feraient. Trop occupés à se battre contre des pauvres ours sans défense. Pas vrai Emmett?" Demanda-t-elle sarcastique.

- "Ils ne sont pas sans défense." Argua Emmett. "Certains se battent plutôt bien." Dit-il avec une moue rigolote. Alice, Jasper et Edward le regardaient avec une expression montrant qu'ils n'y croyaient guère et Emmett éclata d'un rire tonitruant.

- "D'accord, ils n'ont aucune chance. Mais quand j'étais humain, c'était eux les plus forts. J'estime avoir le droit de prendre ma revanche."

- "Emmett a failli se faire tuer par un ours, avant de se transformer." M'expliqua Edward en voyant mon air curieux.

- "Tu ne m'as jamais raconté ça." Fis-je remarquer à Emmett. Il haussa les épaules.

- "C'est normal. Je ne t'ai parlé que de mes exploits. Pas de mes défaites. Bien que celle là, soit la seule défaite que j'aie jamais eu." Dit-il de façon solennelle. Je me mis à rire.

Aussi étrange que cela puisse paraître, je me sentais vraiment bien et détendue en leur présence. J'étais certaine que tout se passerait pour le mieux. Entre une Alice hyperactive et joyeuse et un Emmett fanfaron et comique, rien ne pourrait entacher cette journée.

Et pourtant… Il a suffit d'un simple raclement de gorge pour me faire oublier toute ma gaieté.

Tout le monde se retourna instinctivement vers le dernier venu et également le moins attendu de tous, du moins à mes yeux. Mon cœur se mit à cogner fort dans ma poitrine lorsque je vis pour la première fois depuis des années, l'homme qui avait sauvé - et détruit - ma vie. Je revis la même coupe de cheveux blonde, soignée impeccablement, le même visage bienveillant qui autrefois m'avait incité à me confier, à me livrer en lui racontant ma vie, les mêmes yeux dorés qui m'avaient tant hanté dans mes pires cauchemars, cette même allure britannique, ce même sourire compatissant qui m'avait aveuglé de confiance, ce look un peu vieillot mais qui lui donnait un charme incroyable…

Carlisle Cullen.

Mon ancien médecin, mon ancien confident, mon ancien ami, mon traître, ma plus grande déception et maintenant, mon potentiel beau père.

- "Bonjour Bella."

Lorsque j'entendis sa voix, cette même voix qui m'avait à maintes reprises, répété les mots « Je suis désolé », je commençai à paniquer. Il affichait un air grave, essayant sans doute de ne montrer aucune émotion mais échouait lamentablement. Quand il vit mon air apeuré, il prit soudainement un air concerné. Je ne faisais même pas attention aux autres membres Cullen. Mes jambes ne tenaient plus, ma tête me tournait, j'étais sur le point de m'écrouler.

Alice avait eu raison. On ne pouvait pas décider de la réaction que j'allais avoir, même en sachant comment je réagirai. Cela aurait été littéralement impossible de réagir impassiblement, lorsque l'on revoit une personne qui a profondément marqué notre vie et que l'on n'avait pas revu depuis des années. Comment ais-je pu être aussi naïve? Comment ais-je pu croire, ne serait-ce qu'un instant, que j'aurais pu venir ici, le voir, l'affronter sans montrer aucune émotion? En faisant comme si je ne le connaissais pas?

Impossible. C'était tout simplement impossible.

J'aurais dû écouter Alice et tout simplement annuler cette entrevue. Ou j'aurais dû tout simplement dire la vérité à Edward pendant que je le pouvais, quitte à le perdre à tout jamais. Maintenant, j'étais coincée et perdue. Mon cœur se serrait violemment tandis que les vagues de souvenirs affluaient dans mon esprits et me torturaient.

- "Qu'est-ce que…"

Je sentis la main d'Edward qui me tenait me serrer subitement et je tournai la tête vers lui. Il avait la bouche entrouverte et le choc se lisait partout sur son visage.

Il me regarda et je vis de l'incrédulité dans ses yeux. Il avait compris.

J'ignorais qui d'Alice ou de Carlisle avait baissé sa garde mais je m'en fichais. Ils l'avaient probablement fait tous les deux. C'est à ce moment précis que la peur et la décontenance totale me traversèrent de toutes parts. Edward avait donc eu accès aux pensées de Carlisle. Il avait donc eu le droit à toute ma misérable histoire dans son intégralité. C'en était fini de nous. Il allait me haïr et me quitter et je ne pourrai pas m'en relever. Je commençais déjà à tomber dans le néant, en me préparant à ce qui n'allait pas tarder à arriver. Je ne pouvais pas en supporter plus. Je ne pouvais pas affronter les regards de tous, surtout de celui que j'aimais, c'était trop dur. Tandis que les yeux d'Edward faisaient la navette entre moi et son « père », je lâchai subitement sa main, prise d'un élan de pure panique. Les larmes commençaient à me monter.

Alors je fis la seule chose que je savais faire et que j'avais toujours faite.

- "Je… Je suis désolée."

Puis je détalai.

Je m'enfuyais à toute vitesse.

Je n'écoutais même pas les voix qui m'appelaient, elles étaient déjà lointaines. A mon plus grand étonnement, personne ne m'avait couru après pour me retenir. Avec leur vitesse surhumaine, ils n'auraient eu aucun mal. Je pleurais désormais à chaudes larmes. J'atteignis ma Chevrolet en titubant et l'ouvris avec difficulté. Je claquai la portière violemment et enclenchai le moteur en pleurant bruyamment. Je mis mes mains qui étaient complètement moites sur le volant et démarrai en trombe. Je roulais légèrement en zigzags à cause de ma détresse. Je ne savais même pas ou j'allais. J'étais en train de m'éloigner de Forks et j'ignorais totalement où je voulais m'arrêter. La seule chose que je savais, c'était que je souhaitais par-dessus tout m'éloigner de cette ville, cette malheureuse bourgade maudite.

J'étais déjà bien loin de Forks quand soudain, la révélation s'imposa à moi.

Je savais où est-ce que je voulais vraiment aller. Je savais quel était le seul endroit sur terre, où je devais vraiment être. Ni une ni deux, je pris la route en direction de l'endroit en question.

Il me fallut plus d'une heure à y parvenir, à cause de mon incapacité à conduire convenablement et de la lenteur de ma camionnette. J'étais toujours défaillante quand j'arrêtais la voiture. Jamais de toute ma vie, je n'avais conduit aussi mal. Je sortis du véhicule et le laissai ici pour m'engouffrer dans les bois. Je marchais lentement, toujours assommée de profonds sanglots. N'importe qui à proximité pouvait m'entendre pleurer comme une petite fille. Je me déplaçais comme une ivrogne, tombant plusieurs fois et me relevant en pleurant plus bruyamment. Les chutes que je faisais accentuaient mes sanglots et je ne pouvais pas m'arrêter. J'étais vraiment dans un piteux état lorsque j'arrivai enfin à bon port.

La clairière.

Celle où nous avions passé tout un dimanche ensoleillé, allongés et coupés du monde extérieur. J'avais l'impression que ce jour là remontait à extrêmement loin alors qu'en réalité, cela ne faisait qu'une semaine. Je courus maladroitement jusqu'à arriver en plein milieu et je m'effondrais. J'étais assise sur les genoux, la tête dans les mains et je pleurais.

Je réalisai alors quelque chose.

Finalement, ce n'était point les retrouvailles avec mon enfer personnel qui avaient causé ma perte. J'avais essayé de me préparer à cette confrontation, pensant que c'était à cause de cela que je m'enfuirai alors qu'en réalité, si j'avais pris mes jambes à mon cou, c'était uniquement parce qu'Edward avait appris la vérité et que cela voulait dire que notre histoire était finie. Il allait mettre un terme à notre relation et je n'y pourrai strictement rien. Je m'étais préparée à tout, sauf au pire. A savoir, le moment où Edward apprendrait la vérité et qu'il déciderait que je n'étais pas pour lui.

J'avais pris la fuite parce que je n'avais pas voulu l'affronter. Ni lui, ni son père, ni ses frères, ni même sa sœur. Je ne voulais pas le voir car tant que je ne l'affronterai pas, nous ne serions techniquement toujours pas séparés. Et j'avais besoin de me raccrocher à cette branche pour pouvoir rester en vie et ne pas tomber de l'arbre dépeçant, écorché, tangible et dépérissant sur lequel j'étais perchée. Car lorsqu'il me quittera, ce sera la fin de mon univers. Comment ais-je pu m'impliquer autant et me sentir aussi dépendante de lui? Je n'en ai aucune idée. Tout ce que je sais, c'est qu'à présent, la seule chose qu'il me restait à faire, était de le confronter, d'entendre la sentence et d'attendre la mort. Mais pour le moment, je ne voulais rien faire d'autre que de pleurer sur mon sort, même si je méritais cette punition amplement.

Il devait s'être écoulé des heures car le ciel nuageux commençait à s'assombrir. J'étais recroquevillée sur moi-même, les genoux ramenés contre ma poitrine, les bras entourant mes jambes et la tête contre mes cuisses. Je ne sais pas combien d'heures j'ai passé à pleurer mais une chose est sure, je n'avais pas du tout envie de m'arrêter. J'avais l'impression que je pouvais passer le restant de mes jours comme ça, à sangloter sans jamais m'arrêter.

J'entendis un craquement de feuilles derrière moi et je sursautai. Ma tête se releva brusquement et je me mis à trembler lorsqu'un second craquement se fit entendre.

- "Qu… Qui… Qui est là?" Demandais-je avec une voix tremblante et engourdie par les larmes.

Je me balançais d'avant en arrière, et je respirais bruyamment. Mon cœur malheureux et souffrant se mit à tambouriner dans ma poitrine. Je tournai la tête à droite et à gauche pour voir si je pouvais apercevoir quelque chose ou quelqu'un, mais rien. Je crus avoir rêvé et halluciné la présence d'autrui lorsque j'entendis une voix horriblement familière.

- "Ce n'est que moi."

Je me tournai vivement, apeurée, dans la direction d'où provenait cette voix masculine et tombai alors sur deux grands yeux dorés…

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