Chapitre 3: Retrouvailles
« Il est revenu… »
Je répétais inlassablement cette phrase dans mon esprit, ainsi qu'à demi voix. Tout ce qui m'entourait n'était que brouillard et mirages. Comment ai-je pu croire que je pourrais revivre ma vie normalement? Comment ai-je pu croire ne serait-ce qu'un instant, que mon passé ne me rattraperait pas? Je sentais l'épée de Damoclès planer au dessus de moi, guettant le temps qui me reste avant de lâcher prise pour ne plus jamais respirer, ne plus jamais avoir à souffrir.
Je savais que je n'allais pas tarder à arrêter de survivre. Arrêter de prétendre mener une vie. Je ne vivais plus depuis bien longtemps. Il faut arrêter de se voiler la face.
« Il est revenu… »
- "C'est bon Bella, arrête de répéter ça. Tu te fais du mal et tu le sais."
- "Ne me dis pas ce que je dois faire Rosalie!" J'avais hurlé. Jamais je n'avais encore levé la voix avec elle. Je n'étais pas la seule étonnée pas ma fureur soudaine. Rosalie me regardait la bouche ouverte.
- "Je ne te dis pas ce que tu dois faire, seulement je m'inquiète pour toi." Dit elle posément, espérant sans doute me calmer. Mais cela eut l'effet inverse, je commençais à m'emporter.
- "Et comment veux-tu que je réagisse hein? Il est revenu Rosalie. Tu entends? REVENU!"
- "Pas la peine de crier ça n'arrangera rien!"
- "Je ne tiendrai pas le coup si je l'avais de nouveau face à moi! Je ne tiendrai pas!" Criai-je, ignorant sa remarque.
- "Mais enfin arrête de te tourmenter Bella! D'accord Cullen est rev…"
- "Je t'interdis de prononcer ce nom!" La coupais-je.
- "Merde Bella écoute-moi à la fin! D'accord il est revenu mais ce n'est peut être pas la fin du monde après tout."
Je l'observais, abasourdie pas sa trahison.
- "Comment oses tu me dire ça? Après tout ce que je t'ai raconté…"
- "Je ne dis pas que ce qui t'es arrivé n'était pas grand-chose… Bella tu avais dix-huit ans. Tout ce que tu as traversé cette année là…"
- "Justement! Comment peux-tu dire que ce n'est pas grave s'il s'installe en ville?"
- "Je n'ai jamais dit que ce n'était pas grave!" Elle criait elle aussi.
- "Tu as dit que ce n'était pas la fin du monde! C'est vrai que ce n'est pas la fin du monde. Mais c'est la fin de MON monde!"
- "Tu veux bien me laisser en placer une? Ce que je veux te dire c'est que si tu t'arranges pour ne jamais le croiser, je ne vois pas en quoi le fait qu'il s'installe à Forks soit tellement atroce."
- "Tu n'es qu'une sale hypocrite! Comment tu réagirais si Royce débarquait et s'installait ici? Tu l'accueillerais à bras ouverts peut être?"
- "Ce n'est pas la même chose et tu le sais!"
- "Ah oui et en quoi c'est différent?"
- "Bon sang Bella, Royce m'a violé!" Elle était presque aussi sanglotante que moi. "Il m'a violé Bella, il m'a prit ma virginité, la chose la plus intime que je possédais. Il me l'a volé et me l'a brisé à tout jamais! Est-ce qu'on peut en dire autant de toi?"
Je ne répondais pas. Il est vrai que la relation entre Royce et Rosalie est sans aucun doute incomparable. Elle avait toujours eu du mal à parler de lui, à prononcer son prénom et à employer le terme « viol » et moi, je la faisais parler de ça à nouveau. Seul moi pouvais savoir à quel point ça avait dû être dur pour elle de formuler ces dernières phrases. A cet instant je me sentais monstrueuse. Monstrueuse d'avoir fait endurer un tel supplice à la personne qui compte le plus pour moi. Monstrueuse d'avoir osé comparer mon expérience à la sienne.
Je tombai à genoux et fondis en larmes, les mains recouvrant mon visage et les cheveux collant sur mes joues trempées.
- "Excuse-moi… C'est juste que je me sens si mal. Si mal de savoir qu'il est près de moi, si mal de savoir qu'à tout moment je peux tomber sur lui par hasard. Je n'arrête pas de m'imaginer un tas de scénarios plausibles où je le vois, en face de moi… Mon dieu rien que de l'imaginer me bouleverse!"
Je pleurais fortement et bruyamment, les respirations de mon cœur étaient saccadées. Rosalie s'assit sur les genoux devant moi et me prit dans ses bras, me berçant doucement, comme elle savait si bien le faire.
- "Ma pauvre Bella. Tu sais que je n'aime pas quand tu souffres comme ça…" Elle pleurait également et avait des trémolos dans la voix. "J'imagine à quel point ça doit être dur pour toi…"
- 'Non tu ne le sais pas! Tu n'en sais absolument rien! J'ai l'impression que c'est tout mon univers qui s'effondre. Tout ce que j'ai réussi à bâtir depuis cinq ans, cette vie que je me suis reconstruite après avoir été totalement broyée… J'ai l'impression que tout part en fumée.'
- "Je le sais Bella, je le sais. Mais tu l'as dit toi-même. Tu as réussi à remonter la pente en cinq ans. Tu as décroché un travail, tu rends visite à ton père, tu éconduis les garçons… Tu te forges une vie sociale petit à petit. Alors ne le laisse pas gâcher tout le travail, les efforts que tu as fournis. Je t'en supplie ne le laisse pas!"
Elle avait raison. Lorsqu'elle m'avait trouvé, ou du moins lorsque je l'ai trouvé, je tombais en ruines. Je ne vivais plus, je mourrais à petits feux.
J'ai dû me battre pour en arriver là où j'en suis aujourd'hui. Je me suis battue pour remonter la pente, pour vivre à nouveau et m'en sortir.
Si je me suis battue jusqu'à maintenant, pourquoi ne pourrais-je pas continuer à me battre? Il n'avait aucun droit sur moi. Peut être qu'autrefois il avait un rôle prédominant dans ma vie, mais plus maintenant. Plus aujourd'hui. Plus jamais.
Je la repoussais, à son grand étonnement, et me levai. Je m'essuyai les yeux et lui souris.
- "Tu as raison, Rosalie. Je me bats depuis cinq ans et j'ai bien l'intention de continuer."
Elle me rendit mon sourire mais en plus éblouissant, avant de se relever à son tour. Normal, on parle de Rosalie.
- "Je le savais Bella! C'est pour ça que je t'aime. Et quoi qu'il arrive je serai toujours là pour toi. Et puis après tout, lui ne sait pas que tu habites ici."
- "Je doute qu'avec ce qu'il s'est passé avec Edward, il ne soit pas déjà au courant…"
- "Edward? Tu veux dire que c'est celui de la dernière fois? Celui que tu trouvais magnifique?"
J'acquiesçais, avant de rougir légèrement. C'est fou la façon dont je peux passer d'un état à un autre.
- "Il est repassé à la boutique?"
Nouvel hochement de tête.
- "Et je suppose que cette fois tu ne t'es pas contentée de le dévorer des yeux et que vous avez discuté."
Je hochai à nouveau la tête et souris. J'avais quand même bien profité du spectacle.
- "Et qu'est-ce qu'il s'est passé? Attends je sais. Il t'a dit son nom et tu as pété les plombs, pas vrai?"
- "Presque. Il m'a dit son nom et j'ai failli avoir une syncope. Ensuite je suis partie du magasin et il me suivait pour avoir des explications."
- "Et qu'est-ce que tu lui as dit?"
- "Rien du tout. Quand il m'a vu en pleurs il s'est reculé et j'en ai profité pour me volatiliser."
-" La lâcheté de Bella Swan dans toute sa splendeur…" Rit-elle.
Je l'imitai.
- "Il a vraiment dû croire que j'étais timbrée. C'est vrai, on commençait à bien s'entendre, enfin jusqu'à ce que Mike je-gâche-toujours-tout s'en mêle."
- "Attends. Mike s'est pointé? Mais pourquoi tu ne me l'as pas dit? Et si tu commençais par le début?"
Chassez le naturel, il repars toujours au galop. J'aurais dû me douter que j'allais devoir passer au fameux « interrogatoire d'une Rosalie en quête de scoops ».
C'est ainsi que nous passâmes notre soirée. Rosalie m'interrogea sur les moindres détails de ma journée à partir du moment où Edward Cullen arrive à la boutique. Je connaissais bien Rosalie. Elle s'était toujours intéressée à ce genre de futilités comme la vie des stars ou encore les informations sur la vie privée des habitants de Forks.
Mais je la connaissais aussi pour savoir que si elle me faisait passer cet interrogatoire, c'est avant tout pour me faire oublier l'espace d'une soirée, toutes nos peines et nos problèmes. Elle voulait aussi marquer la fin officielle de notre crise de tout à l'heure, et me faire passer un moment léger, avant de reprendre la discussion sérieuse.
- "Et toi? Que s'est-il passé à la banque?" Demandais-je.
- "Pas grand-chose en fait. J'ai vu son nom sur mon bureau et c'est ainsi que j'ai appris l'arrivée de la famille Cullen. J'ai ensuite fait le rapprochement avec ton inconnu et la première chose à laquelle j'ai pensé, fut d'envoyer un collègue à ma place au rendez vous, prétextant un problème d'ordre familial puis de te téléphoner. Mais tu ne répondais pas alors j'ai couru jusque chez nous, sans jamais cesser de t'appeler. Quand je t'ai vu, j'ai tout de suite pensé que tu avais dû apprendre quelque part que les Cullen s'installaient…"
Nous continuâmes à déblatérer jusqu'à ce l'envie d'aller dormir se manifesta.
Nous avions sauté le dîner mais aucune de nous ne s'en plaignit.
Cette nuit là nous dormîmes ensemble, comme mardi soir. Je tentais tant bien que mal de ne pas penser. Esmée arrivait demain et j'allais enfin retrouver l'appui et le confort dont j'avais besoin.
Ce fut avec joie que j'accueillis le sommeil et le laissa prendre possession de mon être. Mais avant de m'endormir complètement, je murmurai:
- "Merci Rosalie"
Je savais qu'elle m'entendait.
.............................
Le réveil fut assez dur. Nous fûmes assaillies par mon téléphone qui sonnait pour laisser place à un Charlie hyperactif et complètement paniqué. Nous ne reparlâmes pas de choses qui fâchent durant le petit déjeuner et le trajet qui mène à la maison de mon père.
Il était là, nous attendant près du porche, l'air totalement dépassé par les évènements.
Rose et moi ne dîmes rien mais nous étions hilares à l'intérieur.
Charlie n'avait pas conscience de nos échanges de regards et muets tandis que nous nous appliquions à ranger la maison autant que faire ce peu. Après toute la matinée à ranger et nettoyer d'arrachepied, Charlie partit en direction de l'aéroport de Seattle. Une fois parti, nous ne pouvions plus nous contenir et explosâmes de rire à l'unisson. Mon père était tellement drôle dans ces moments là…
Mrs Newton avait accepté de me donner ma matinée mais avait besoin de moi tout l'après midi. Je dus donc me rendre au travail, non sans avoir gratifié Rosalie d'un « Bonne chance pour la suite du grand ménage » qui elle, avait réussi à prendre sa journée complète.
Une fois arrivée à la boutique, je vis Mike me faire un grand sourire avant même que je n'aie pénétré les lieux. Seigneur…
- "Tiens Bella! Tu as l'air d'aller mieux on dirait ?"
- "En effet je vais beaucoup mieux, merci de t'inquiéter."
- "De rien. Tu sais que tu comptes beaucoup pour moi ?"
Je me sentis légèrement coupable devant l'affection qu'il me portait. Je n'hésitais pas à casser des noix à propos de lui alors qu'il semblait m'apprécier. Je commençais à avoir des remords.
Je lui souris pour réponse et m'installai derrière le comptoir.
- "Au fait, Il va falloir que tu assures toutes les fermetures de la semaine prochaine parce qu'avec tout le boulot que j'ai à la fac, je vais devoir prendre sur mes heures à la boutique pour tenir le rythme…"
Venais-je vraiment d'avoir eu des remords et de la compassion pour Mike Newton? Si ce fut à un moment le cas, nul doute qu'il n'y a plus aucune trace de sentiment autre que le dégoût et l'exaspération à son égard à cet instant précis. Prends sur toi Bella, prends sur toi.
Génial, je vais me retrouver avec des heures en plus pendant toute une semaine et ce, pour une augmentation de zéro dollar sur mon salaire. Vive Mike Newton et son égoïsme!
Je commençais à travailler, bien que les clients étaient aux abonnés absents, à part quelques jeunes dans le magasin. Je ne mis pas longtemps avant de commencer à me tourner les pouces et à fixer la porte, comme si quelque chose d'incroyable allait apparaître.
Je faillis m'étouffer lorsque quelque chose d'incroyable apparut réellement.
Enfin disons plutôt quelqu'un. J'étais complètement en extase devant Edward Cullen qui s'avançait dans le magasin avec son jean délavé et sa chemise bleue foncée. Il avait un air déterminé sur le visage que je ne compris pas. Ce ne fut que lorsqu'il se dirigea directement vers moi, le visage impassible que cela fit tilt dans mon cerveau.
Il venait pour des explications. C'est normal, vu le comportement que j'ai adopté avec lui la veille… Mais je n'avais aucune idée de ce que j'allais lui dire. La vérité, sûrement pas. Le mensonge, encore pire. J'étais incapable de mentir de toute façon. Encore moins avec lui qui me fait rougir au moindre de ses gestes. Dernière solution, le silence. Je ne lui dirai absolument rien. S'il me pose des questions, je nierai tout en bloc.
Il s'approcha du comptoir et se positionna face à moi de sorte à ce que je n'ai aucun échappatoire possible. Il commençait à bien me connaître.
- "Bonjour Bella." Dit il sans un sourire.
Il avait le visage glacial. Il m'en voulait probablement de m'être conduite de cette façon. Je décidais de jouer les idiotes. Plus je gagnais de temps, mieux c'était.
- "Edward. Vous avez oublié quelque chose hier?"
- "A vrai dire pas vraiment. Il faut que je vous parle."
Au moins, ça a le mérite d'être direct.
-" Je suis désolée mais je suis occupée." Dis-je.
Il jeta un coup d'œil au magasin, visiblement en manque de clients et eut un sourire au coin droit des lèvres quand il se tourna vers moi.
- "Vous n'avez pas l'air si occupée que ça…" Remarqua-t-il.
- "Peut être, mais là je suis au travail donc vous m'excuserez mais je n'ai pas de temps à perdre." Répliquais-je sèchement, assez pour qu'il me laisse tranquille. Du moins je l'espère. Il fronça les sourcils comme il en avait l'habitude puis me vrilla de son regard.
- "Dans ce cas j'attendrai."
Il ne me laissa pas le temps de répliquer qu'il était déjà sorti de la boutique. Je ne comprenais pas ses intentions. Il disait qu'il attendrait mais il est parti. Bizarrement je n'étais pas vraiment à l'aise avec ce brusque changement d'attitude de sa part. Certes, je le méritais. Mais je préférais largement ses sourires et sa gentillesse, que ces regards froids et distants et ce visage fermé. Pourtant, Dieu sait que je ne devrais pas vouloir les bonnes grâces d'Edward Cullen. Même si le courant avait eu l'air de passer, il était tout simplement hors de question que je tisse des liens avec un Cullen. C'était exclu. Je soupirai avant de tenter en vain, de chasser toutes ces pensées à propos d'Edward.
L'après midi passa lentement, comme d'habitude, puis j'accueillis la fin de la journée avec joie. Esmée et Charlie était sûrement déjà rentrés. Je n'avais qu'une hâte, celle de la revoir.
Je sortis de la boutique et releva la tête devant un Edward Cullen, adossé contre le mur à coté de la porte. Il avait le regard vague, mais lorsque ses yeux rencontrèrent les miens, je crus voir quelque chose derrière le masque d'impassibilité.
Là je comprenais enfin ce qu'il avait voulu dire, trop tard malheureusement. J'allais devoir l'affronter. Qu'à cela ne tienne!
- "Vous n'avez pas sérieusement attendu que je finisse mon travail?"
J'étais à la fois heureuse et dépitée.
- "J'ai dit que j'attendrai." Fit il d'une voix neutre.
- "Très bien, que voulez vous?" Demandais-je en soupirant d'exaspération.
- "Cela vous ennuierait-il de marcher?" Proposa-t-il.
- "Accompagnez-moi à ma voiture." Il acquiesça.
Nous commençâmes à marcher quand il prit la parole.
- "D'abord je voudrais savoir si vous allez bien? J'ai vraiment eu peur lorsque je vous ai vu."
Son regard se perdit. Comme s'il parlait de quelque chose de douloureux. Il s'était inquiété pour moi? Pourquoi?
- "Euh… Je vais bien." Balbutiais-je, désarçonnée.
Nous n'avions toujours pas atteints la camionnette et j'avais vraiment peur de la tournure que prendrait la conversation.
- "J'aimerais comprendre." Lança-t-il, tout d'un coup.
Je me tournai vers lui.
- "Comprendre quoi?" Demandais-je.
- "Vous nous connaissez? Ou du moins l'un de notre famille?"
Dans la vie il y avait deux types de personnes. Celles qui aimaient tourner autour du pot et celles qui ne perdaient pas de temps. Edward était sans conteste, de ceux qui ne perdent pas leur temps avec des futilités. Manque de chance, il est tombé sur une personne lâche qui n'aspire qu'à retarder l'échéance.
- "Je n'ai aucune idée de quoi vous voulez parler." Dis-je sérieusement.
- "Moi je crois que si. Vous le savez très bien mais vous préférez jouer les idiotes ignorantes en espérant que je lâcherai l'affaire. Manque de chance, je peux être très borné lorsque je le décide."
- "Et moi donc!"
Il avait réussi à me cerner à une vitesse affolante. Comment pouvait il cerner les gens aussi rapidement? Il serait psychologue que je n'en serais pas étonnée le moins du monde.
Nous nous affrontâmes du regard pendant ce qui semblait être des heures.
Apparemment il n'avait pas l'intention de laisser tomber. Que pouvais-je faire? J'étais littéralement coincée. Tant pis, s'il fallait mentir pour m'en sortir, je devais essayer.
- "Écoutez, si je ne vous dis rien, c'est qu'il n'y a absolument rien à dire. Je ne vous connais pas. Ni vous, ni aucun d'entre vous. Hier je ne me sentais pas bien et je suis désolée si je vous ai inquiété ou si je vous ai fait perdre votre temps aujourd'hui mais vous n'arriverez à rien tirer de moi. Maintenant laissez-moi je vous prie."
Il se pinça l'arrête du nez avant de déclarer la chose auquel je n'avais pas encore trouvé de réponse.
- "Vous pleuriez."
Je devais trouver quelque chose, mais rien. Je ne pouvais pas le nier, il m'avait vu et j'avais été dans un état lamentable.
- "Je… Ce ne sont pas vos affaires. J'avais passé une mauvaise journée et j'étais à cran."
- "Si vous aviez vraiment été à cran vous vous seriez énervée mais je ne vois pas ce que la tristesse vient faire là." Répliqua-t-il.
Bon Dieu il a réponse à tout.
- "Encore une fois, ma vie ne vous regarde pas. Alors arrêtez de m'importuner!"
Peut être que si je m'énervais il me laisserait tranquille. Cela ne m'enchantais pas de me disputer avec lui. Je sentais que quelque chose à l'intérieur de moi souffrait à l'idée de la prochaine réplique cinglante que j'allais sortir s'il persistait.
- "Vous êtes en train de me dire que tout ce cirque hier n'avait strictement rien à voir avec le fait que je me sois présenté?"
- "C'est tout à fait ça." J'essayais de mettre le plus de conviction possible.
- "Vous mentez très mal."
- "Et vous vous me tapez sur les nerfs! Fichez-moi la paix une bonne fois pour toute. On a tous nos secrets et je ne vous demande pas de me révéler les vôtres à ce que je sache alors ne me demandez pas de vous révéler les miens! Alors pour l'amour du ciel, laissez moi tranquille, je ne vous ai rien demandé!"
C'est drôle, j'avais l'impression que c'était la chose la plus dure que je n'aie jamais eu à faire. L'emprise que cet homme exerce sur moi est incroyable. Rien que d'imaginer la haine qu'il doit éprouver envers moi à cet instant pour lui avoir parlé de cette manière me donnait envie de pleurer. Je me détestais. Il n'avait rien fait de mal après tout. Sa réaction était parfaitement légitime.
Edward était resté impassible, il n'avait pas bougé d'un millimètre, n'avait pas cligné une seule fois des yeux, une véritable statue. Quel genre d'humain peut rester aussi immobile? Surtout après la façon dont je lui ai parlé… J'aurais dû profiter de ce mutisme et de son absence de réaction pour faire la même chose que la veille, à savoir, décamper.
Je savais que j'aurais dû. Mais je ne le pouvais pas. Je n'arrivais pas à détacher mon regard de lui. Je ne sais pas combien de temps s'était écoulé avant qu'il ne daigne enfin se manifester, mais j'aurais pu continuer encore longtemps comme ça, à le regarder. Peut être même toute ma vie. Il me faisait penser à une œuvre d'art exposée dans un musée. Le genre d'œuvre dont on ne peut pas se détourner, ni se lasser d'admirer.
- "Les gens ne sont pas obligés d'être seuls Bella. Tu n'es pas obligée de rester seule. La colère n'est jamais bonne à garder au fond de soi. Et parfois se confier peut être bénéfique lorsque l'on se confie aux bonnes personnes. Médite là-dessus." Puis il se détourna avant que je n'ai eu le temps de répliquer.
J'étais complètement abasourdie. Incapable de penser à quoi que ce soit d'intelligent. Ce type m'avait chamboulé. Je l'envoyais sur les roses de la façon la plus désagréable qui soit et lui, ça lui donnait envie de me tutoyer. N'importe qui de normal m'aurait lancé un regard noir ou m'aurait répondu aussi méchamment que je l'avais fait mais lui, me donnait des conseils et m'avait clairement montré son envie que je lui fasse confiance.
Il fallait se rendre à l'évidence, Edward Cullen n'était pas normal.
J'étais tellement sous le choc après cette confrontation que j'en avais oublié Esmée. Elle devait être arrivée depuis un bout de temps maintenant. Je me sentais minable. Je ne faisais jamais rien de bien. Bonne à faire le mal autour de moi. Et pourtant je ne me dépêchais pas pour rentrer. Au contraire, je roulais lentement et ne mettais pas de bonnes volontés pour accélérer le mouvement.
Lorsque j'arrivais chez Charlie, je vis le cabriolet rouge de Rosalie garé sur le coté. La nuit était tombée depuis un bout de temps et les lumières étaient allumées. Je sortis de ma Chevrolet et m'engouffra à l'intérieur de la maison.
A peine après avoir posé un pied, que Rosalie me sauta dessus.
- "Ah enfin! T'en as mis du temps, tu faisais quoi?"
- "Désolée j'étais retenue à la boutique."
- "Rien de grave au moins?" S'enquit Charlie.
- "Non, seulement un client trop insistant." Répondis-je. Je jetai un coup d'œil à Rosalie qui me fit un signe qu'elle avait compris où je voulais en venir, puis un regard qui voulait sans aucun doute dire « On en parlera plus tard ».
- "J'espère que ça s'est arrangé."
- "Oui Papa, ne t'en fais pas, je crois qu'il ne devrait plus me poser de problème." Dis-je amèrement. Rosalie arqua un sourcil à ces mots.
- "Bonsoir Bella."
Je tournai la tête vers la voix douce et affectueuse qui venait d'apparaître. Je mis quelques secondes à réagir et lorsque je sortis de ma stupeur, je courus dans ses bras.
- "Tu m'as manqué Esmée." Dis-je sur le point d'éclater en sanglots.
- "Toi aussi Bella. C'est si bon de vous revoir! Je ne pensais pas que Forks me manquerait autant."
- "Ça c'est parce que tu n'as pas supporté la grande ville petite sœur." Plaisanta Charlie.
Esmée rit et je me reculai pour la regarder. Elle n'avait pas changé. Toujours aussi belle avec ses cheveux coiffés à l'ancienne et son visage en forme de cœur, ses yeux marron bienveillants et pleins de tendresse ainsi que son sourire protecteur.
Elle me sourit et m'enlaça une fois de plus.
La soirée se passa merveilleusement bien et aucune ombre au tableau. On aurait dit un portrait de famille. Rose incluse évidemment. Elle et Esmée s'étaient déjà rencontrées mais ne se connaissaient pas personnellement. Laissez-moi vous dire que Rose a tout de suite remédié à ça. A la fin de la soirée Esmée savait presque tout ce qu'il y avait à savoir sur Rosalie, du moins l'essentiel, et vice versa. Elles s'entendaient très bien d'ailleurs. Rosalie, en plus de sa beauté légendaire, avait un don pour s'intégrer. Charlie la voyait comme sa propre fille. La grande sœur de Bella qui prend soin de sa petite sœur.
Plus tard dans la soirée, Esmée devait passer à la boutique. Je me proposai pour l'accompagner et Rose décida de rentrer. Je dis au revoir à Charlie et nous partîmes avec ma camionnette. Le trajet se passa en silence. Elle méditait quelque chose et je n'osais pas la déranger.
Une fois arrivées devant sa nouvelle boutique, nous nous garâmes et elle sortit les clés que l'ancienne propriétaire lui avait donné tantôt.
- "Les meubles doivent arriver demain. J'ouvrirai mercredi, le temps de l'aménager."
J'acquiesçai.
- "Alors comment se passait ta vie à Los Angeles?"
- "Plutôt bien. La ville est sympa et je me suis faite quelques amis… Mais l'ambiance et le rythme infernal ne me convenaient pas vraiment. Tu sais, quand on a vécu toute sa vie à Forks, s'est dur d'abandonner la tranquillité et le calme. Au fait, il faut que je te parle de quelque chose."
- "Je t'écoute."
Elle hésita, puis se lança.
- "J'ai revu ta mère." Dit elle.
Je pâlis.
- "Je croyais qu'elle habitait à Jacksonville?"
- "C'est le cas… Mais elle s'est déplacée à Los Angeles pour assister à un match de Baseball de son mari. Elle en a profité pour venir me voir."
- "Je ne préfère pas parler d'elle." Dis-je sur la défensive.
- "Bella, elle s'inquiète pour toi. Elle cherche un moyen de reprendre contact avec toi. Quand elle est venue me voir, elle était désespérée. Tu lui manques ma chérie."
- "Je ne veux pas le savoir. Elle avait qu'à y réfléchir plus tôt et se comporter comme une mère l'aurait fait."
- "Elle pensait que c'était ce qu'il y avait de mieux pour toi. Elle a cru bien faire."
- "En se mettant contre moi? En m'empêchant d'agir comme je l'entendais?"
- "Ton père aussi était de son avis et tu ne lui en as pas voulu."
- "Parce que lui, même s'il était contre ma décision, il la respectait! Il me soutenait quand j'en avais besoin."
- "Réfléchis-y Bella. Cela ne coûte rien. Et peut être que tu pourrais comprendre son point de vue si tu acceptais de t'expliquer avec elle."
Réfléchir, réfléchir… Tout le monde me demandait ça. Je m'étais prise la tête avec tout le monde. D'abord Rosalie, ensuite Edward et maintenant Esmée. J'avais le sentiment d'être dans une autre dimension car je ne me disputais jamais avec Rosalie et encore moins avec Esmée.
Je décidais de changer de sujet car j'en avais marre de me battre. Malheureusement, je réalisais qu'il fallait que je la mette au courant de nos nouveaux arrivants.
- "Esmée, moi aussi il faut que je te dise quelque chose."
Elle se tourna vers moi et me fit signe que j'avais toute son attention.
- "La famille Cullen est venue habiter à Forks."
Je la vis baisser les yeux.
- "Je le savais déjà. Charlie m'en a parlé dans la voiture cet après midi. Tu tiens le coup?"
- "Autant que je le peux. Si je peux éviter de le croiser…"
- "Bella tu ne veux peut être pas entendre ça, mais tout n'était pas de sa faute tu sais."
- "Tu as raison… Je ne veux pas entendre ça."
- "Très bien alors je n'insiste pas. Mais n'oublie pas qui est le principal fautif dans l'histoire."
- "Je ne l'oublie pas. Seulement je sais aussi qui m'a trahi Esmée. Et cette personne se trouve ici même, à Forks."
- "Je sais Bella. Et sache que je serai toujours là pour toi."
- "Rose m'a dit la même chose lorsqu'on a eu cette même discussion.
Elle rit.
- "C'est parce qu'on tient à toi."
- "Autant que je tiens à vous." Répliquais-je dans un demi-sourire.
- "Allez, courage."
- "Je vais y aller. Passe une bonne nuit Esmée."
- "Toi aussi Bella."
Je m'avançai vers la porte et me retournai.
- "Esmée?"
Elle leva les yeux vers moi.
- "Merci."
- "Merci de quoi?" Demanda-t-elle, intriguée.
- "D'être revenue." Souris-je avant de sortir.
Je m'engouffrai dans ma camionnette et roulai en direction de l'appartement. Je repensais à ce que m'avait dit Edward.
« Parfois se confier peut être bénéfique ».
Je ne savais pas si je devais être en colère après lui pour m'avoir jugé. C'est vrai, de quel droit se permettait-il d'insinuer que j'étais renfermée? Comment pouvait-il savoir si je suis solitaire ou non? Il a tort de toute façon. Peut être que je ne donne plus ma confiance aux gens aussi facilement, mais je me confie aux autres. Je me suis confiée à Rosalie, à Esmée, à…
Personne d'autre.
Je commençais à ouvrir les yeux. A part mon père, ma tante et ma meilleure amie, je ne parle à personne. J'étais dépitée. Il avait raison. J'étais seule. Définitivement seule. La seule autre amie que je possédais s'appelle Angela et je ne l'ai pas revue depuis un bail. Elle vit à Seattle avec son fiancé Ben. Je les avais tous les deux connus au lycée. On s'envoie des mails de temps à autres mais à part ça, rien du tout.
Comment pouvais-je être aussi solitaire sans jamais m'en rendre compte?
Comment se fait-il que la seule personne à l'avoir remarqué soit un inconnu? D'ailleurs il m'avait fait comprendre que je pouvais lui parler et avoir confiance en lui. Du moins, c'est-ce que j'ai cru comprendre. Mais le pouvais-je sincèrement? Comment pourrais-je me confier à quelqu'un que je ne connais même pas? Il en était hors de question.
J'avais déjà accordé ma confiance à un Cullen et celui-ci m'a trahi.
Je ne pouvais pas faire confiance aux Cullen. De plus, en acceptant de voir Edward - cette idée fit mon cœur s'emballer - j'augmentais mes chances de me retrouver sur sa route. Et ça je ne pouvais pas le tolérer.
Alors c'est décidé, je ne parlerai à Edward Cullen, uniquement pour lui annoncer le prix de ses futurs achats à la boutique de sport.
Et tandis que je m'avançais vers chez moi, je me rendais compte que j'allais à l'encontre de mon cœur. Plus cette décision devenait irrévocable et décidée, plus mon cœur souffrait. J'avais l'impression qu'il saignait, et que la seule façon de stopper l'hémorragie était de revenir sur ma décision.
Mon cœur s'était attaché à Edward sans mon autorisation, et je n'avais aucun remède contre ça…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire